Chroniques

par laurent bergnach

Carl Loewe
Lieder – ballades

1 CD New Classical Adventure (1996)
MA 96 05 819
Carl Loewe | Lieder – ballades

Un poste de directeur musical et de chef de chœur obtenu à l'âge de vingt-quatre ans permettront à Carl Loewe (1796-1869) de mettre sa famille à l'abri du besoin et de rencontrer des artistes importants comme Weber, Hummel ou Johann Friedrich Reichardt, annonciateur de la ballade romantique. La fascination de Loewe pour ce genre remonte à la petite enfance. Sa sœur préférée, Marie, récitait souvent celles du poète Gottfried August Bürger (1747-1794), qui combinaient des éléments épiques, lyriques et dramatiques, au point de devenir des modèles pour Goethe, Schiller, Uhland et bien d'autres. Les paysages miniers où grandit le musicien, avec leur monde souterrain, ne sont pas non plus étrangers à son intérêt pour les sagas et les contes de fées – comme ici la rencontre entre un pêcheur et une sirène (Der Fischer), le banquet de créatures occultes (Hochzeitlied), les dégâts d'un apprenti sorcier (Der Zauberlehrling).

« La ballade, expliquait-il, se différencie d'un conte par sa poésie. Une bonne ballade, mis à part ses qualités lyriques qu'elle partage avec le Lied, doit avoir une essence dramatique. Les meilleures ballades sont celles qui excluent la narration et mettent les ressorts dramatiques – l'action – directement dans la bouche des protagonistes de l'histoire. Le lecteur peut alors réfléchir à l'intrigue au lieu de l'écouter passivement. En ce sens, cette forme s'apparente à un art hautement dramatique. »

Cet enregistrement propose dix-neuf ballades et Lieder écrits à partir de textes de Goethe – que le compositeur tenait en grande estime, même si le poète, quant à lui, gardait ses distances vis-à-vis de la musique. Et-il besoin de rappeler que cette source d'inspiration n'a rien d'original, Beethoven, Schumann ou Schubert s'étant également penché sur cet héritage littéraire ?

Comme il est courant avec avec ce genre de programme, on trouve ici différentes thématiques : la communion avec la nature (Wandrers Nachtlied, Gottes ist der Orient, Frühzeitiger Frühling), l'amour (Ich denke dein), l'angoisse (Erlkönig, Der getreue Eckart), la sagesse (Der Sänger). Si l'ambiance générale est mélancolique – surtout durant le premier tiers du disque –, on est heureux de rencontrer parfois des morceaux plus alertes (Freibeuter, Die wandelnde Glocke).

Klaus Mertens les interprète avec mesure, sans théâtraliser outre mesure. Le baryton est connu pour son travail dans le domaine baroque, avec des représentants aussi prestigieux que Franz Brüggen, Philippe Herreweghe, René Jacobs, Ton Koopman ou Gustav Leonhardt. Sa voix large semble domestiquée avec nuances pour se plier à cet exercice si particulier. L'Américain Norman Shetler est un habitué de l'accompagnement (Dietrich Fischer-Dieskau, Brigitte Fassbaender, etc.) ; au piano-forte, il tient son rôle avec beaucoup de délicatesse.

LB