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Chroniques
Benjamin Britten
suites pour violoncelle
Le 4 octobre 1959, à Moscou, le violoncelliste Mstislav Rostropovitch créé le Concerto en mi bémol majeur Op.107 n°1, appris en quatre jours, que lui dédie Dmitri Chostakovitch. Moins d’un an plus tard, c’est au Royal Festival Hall (Londres) que retentit cette page au final macabre et ironique – distorsion de la mélodie préférée de Staline, Souliko (du géorgien სულიკო) –, donnée par l’Orchestre Philharmonique de Leningrad. Pour Britten (1913-1976), outre partager la loge d’un confrère russe qu’il admire, c’est l’occasion de faire la connaissance de l’interprète découvert, quelques jours plus tôt, grâce à la radio. Ce dernier, qui de l’homme qu’il n’a jamais vu, même en photo, adore The young person’s guide [lire notre critique du CD], confie :
« je l’ai aussitôt attaqué en le suppliant, avec toute la sincérité et la passion dont j’étais capable, d’écrire quelque chose pour le violoncelle. Il m’a répondu qu’il faudrait en discuter en détail. Je ne m’attendais pas à une réponse aussi simple et aussi sérieuse » (in Benjamin Britten ou le mythe de l’enfance, Buchet/Chastel, 2006) [lire notre critique de l’ouvrage].
En 1961, la Sonate en ut pour violoncelle et piano Op.65 marque le début d’une collaboration doublée d’une solide amitié entre les deux hommes. En effet, cette pièce est suivie par l’écriture de la Symphonie pour violoncelle Op.68 (Moscou, 12 mars 1964), puis par trois Suites – au lieu des six promises –, conçues durant la décennie suivante : Suite Op.72 n°1 (Aldeburgh, 27 juin 1965), Suite Op.80 n°2 (Snape, 17 juin 1968) et Suite Op.87 n°3 (Snape, 21 décembre 1974).
Natif de Düsseldorf mais élevé au Royaume-Uni, le quadragénaire Jamie Walton est connu pour allier technique solide et interprétation chaleureuse, comme le prouve nombre de concerti enregistrées avec le Philharmonia Orchestra (Saint-Saëns, Elgar, Dvořák, Schumann, etc.). Il s’attaque aujourd’hui à ces opus britténiens qui, selon lui, explorent les possibilités de l’instrument avec originalité et une imagination étonnante qui laissent la vacuité sur le bas-côté.
Filmé par Paul Joyce à l’Église de la Sainte-Trinité (Blythburgh, Suffolk), d’abord dans la lumière douce qui perce les vitraux puis à la flamme des bougies alentour, l’interprète séduit par une foule de qualités, dès l’œuvre la plus ancienne : précision, netteté des attaques (Fuga), vigueur des pizz’ (Serenata), expressivité (Marcia). La deuxième confirme la justesse de son aigu (Declamato), son sens de la nuance (Ciaccona), tandis que la dernière voit le musicien, humble et concentré, surmonter de redoutables difficultés techniques (Marcia). Si nous avions découvert ce programme au disque (SIGCD 336), il est fort à parier qu’une Anaclase! lui aurait été décernée !
LB