Chroniques

par laurent bergnach

Bénédicte Palaux-Simonnet
Paul Dukas

Éditions Papillon (2001) 152 pages
ISBN 2-940310-01-7
biographie de Paul Dukas par Bénédicte Palaux-Simonnet

Parue à une époque où n'existaient ni notre quotidien d'information pour en accompagner la naissance, ni l'ouvrage réalisé par Simon-Pierre Perret et Marie-Laure Ragot [lire notre critique de l’ouvrage] pour – éventuellement – lui faire de l'ombre, cette biographie de Paul Dukas conserve tout son intérêt pour qui chercherait l'essentiel. Prenant place dans la collection Mélophiles, elle signale combien le musicien-sorcier s'avère un créateur d'importance tout en restant peu traité par l'édition francophone, voire méconnu – en effet, peu de choses ont été consacrées à ce compositeur depuis un petit livre de Georges Favre, sorti en 1948.

En s'appuyant sur des correspondances souvent inédites et des souvenirs de descendants, la musicienne et critique Bénédicte Palaux-Simonnet propose un livre vivant, illustré de photos de famille et d'exemples musicaux, très plaisant à parcourir. On y découvre le portrait d'un homme plein d'érudition, d'humanité et de bonté, qui prône l'effacement de soi comme une attitude philosophique, maître de son émotion selon les mots de Debussy.

Né et mort à Paris, fils d'un passionné de littérature et d'orientalisme, d'une excellente pianiste disparue trop tôt, Dukas commence à composer à l'âge de quatorze ans, à l'occasion d'une maladie. Rebelle à une instruction focalisée sur la seule production d'une cantate, créateur très vite apprécié, cet indépendant préfère enchaîner de longues plages de silence à la production de chefs-d'œuvre – dont la première exécution le déçoit toujours – plutôt que de composer sans nécessité. Peu prolixe car perturbé par des activités alimentaires et les doutes récurrents qui l'assaillent, l'homme qui failli détruire La Péri confie à d'Indy le danger de vivre parmi des chimères, ces œuvres qui demeurent en projet « car elles vous dégoûtent du bon travail positif qui seul donne des fruits ».

Analysant une douzaine de pièces du compositeur où la clairvoyance, le flux et le rapport au monde constituent des thèmes majeurs, la comparant à l'esthétique de l'époque, cette biographe consacre enfin plusieurs pages à cette « maudite critique qui [le] fait suer sang et eau », et dont l' « action sur le public est trop médiocre ». Cherchant à faire aimer la musique, cet artiste salué en son temps par Zemlinsky, Schönberg, Berg et Webern, aurait plus de plaisir avec les élèves de ses dernières années.

LB