Chroniques

par laurent bergnach

Aulis Sallinen
Palatsi | Le palais

1 DVD Arthaus Musik (2006)
102 091
Le palais, opéra de Sallinen

Ces dernières années, qui a vu Der König von Atlantis de Viktor Ullman, K de Philippe Manoury ou encore L'Autre côté de Bruno Mantovani [lire notre chronique du 23 septembre 2006] ne sera pas dépaysé par la découverte de Palatsi (Le Palais), un opéra en trois actes qui aborde l'univers du pouvoir politique de façon satirique et pessimiste.

Co-librettiste avec la Germano-américaine Irene Dische, Hans-Magnus Enzensberger annonce : « Le prologue décrit un monde en ruines. Personne ne sait pourquoi tout va de travers. Le Roi est prisonnier mais le peuple ne le sait pas ». Complètement en dehors de la réalité, ce roi – incarné par Veijo Varpio – s'exprime par la voix de Constance – Jaana Mäntynen –, épouse malheureuse pour qui « le palais est un goulag où le temps n'existe pas ». Il n'a pas quitté sa chambre depuis trois jours et ses conseillers corrompus s'inquiètent – Jorma Silvasti (Petruccio) et Tom Krause (Ossip). Jalonnée de rituels immuables, la vie continue cependant, avec ces livres qu'on brûle, ces gens condamnés pour un éternuement malvenu, etc. L'arrivée de l'étranger Valmonte – Sauli Tilikainen – bouleverse la vie du Palais, mais c'est pour mieux installer cet ambitieux sur le trône. Outre des références appuyées au Roi des Rois et à L'Enlèvement au Sérail, les deux écrivains se sont inspirés de l'histoire de l'empereur éthiopien Haile Selassi, renversé en 1974 après quarante ans de dictature.

Déjà l'auteur de plusieurs opéras – un reportage offert en supplément, évoquant l'histoire du Festival de Savonlinna, livre des extraits de Ratsumies (Le Cavalier, 1975) et de Punainen viiva (Le Trait rouge, 1978) –, Aulis Sallinen (né en 1935) a passé deux bonnes années sur cet ouvrage, travaillant en parallèle la partition d'un orchestre de chambre et la traduction du livret anglais en finnois.

« Sa musique sent la terre », s'enthousiasme le chef Okko Kamu, lors de la création le 5 août 1995 ; mais une touche de tango – sur l'apparition du bourreau, chanté par Mart Mikk –, des échos de Britten et Bernstein, s'ils collent à la légèreté ironique du propos, peinent à nous intéresser lors d'une première écoute. Ajoutons à cela une mise en scène indigente de Kalle Holmberg, et il ne restera guère que des voix amples et souples – jusqu'au Chœur du Festival, homogène et d'un seul corps – pour soutenir notre attention, durant deux heures avares en suspense et émotion.

LB