Chroniques

par laurent bergnach

archives Zarah Leander
intégrale des enregistrements allemands

1 coffret 2 CD Profil / Hänssler (2007)
PH 07025
archives Zarah Leander | intégrale des enregistrements allemands

Sara Stina Hedberg de son vrai nom, Zarah Leander naît en Suède le 15 mars 1907. Très jeune, elle est attirée par la musique et le spectacle en général. Après des débuts sur scène à l'âge de six ans, elle suit des cours de théâtre, tient l'orgue au temple, avant de séduire Suédois et Autrichiens avec ses prestations dans La Veuve Joyeuse ou Axel an der Himmelstur.

En 1936, engagée en Allemagne, elle tourne Première, une comédie musicale qui remporte un immense succès. Marlene Dietrich partie aux États-Unis, elle trouve rapidement sa place dans le cœur du public et devient l'actrice la plus populaire du pays grâce à des mélodrames romantiques, des évocations romanesques sans allusions aux temps de guerre qui se préparent. « Je chante des chansons qui dans quatre-vingt-dix pour cent des cas parlent d'amour, déclare-t-elle avec conviction, parce que pour quatre-vingt-dix personnes sur cent, l'amour est plus important que la politique. »

Égérie du nazisme, Zarah Leander fut longtemps stigmatisée. Pourtant, l'artiste est moins une admiratrice du Reich qu'une opportuniste rémunérée en couronnes suédoises, qui se chargeait de divertir une population privée de rêve hollywoodien en devenant meneuse de revue, reine malheureuse ou star de cinéma. Si elle apprécie Goebbels, c'est pour son humour et non pour ses reproches d'inviter à sa table artistes juifs ou homosexuels – encore moins lorsqu'il souhaite voir son fils intégrer les Jeunesses hitlériennes. La prudence de jugement semble donc de mise puisque, selon les témoignages, Leander apparaît soit comme indifférente à la mort de parents déportés, soit comme une espionne à la solde des Soviétiques. Le fait est qu'au printemps 1943, suite à la destruction de sa villa, elle préfère regagner son pays natal et se retire en pleine gloire, avant la ruine.

Sorti à l'occasion du centième anniversaire de sa naissance, ce coffret regroupe les morceaux gravés par l'artiste de 1936 à 1952. On trouve en premier lieu les chansons des débuts mentionnés ci-dessus, puis celles qui ont établi la renommée des films La Habanera (1937), Le Chemin de la liberté (1941) et surtout Le Grand amour (1942), avec ses vingt-sept millions de spectateurs. Marquant des retrouvailles avec le public allemand alors que ses compatriotes lui sont devenus hostiles, Gabriela (1950) et Cuba Cubana (1952) offrent également leur lot de mélodies sentimentales. En quête de légèreté, chacun peut tomber sous le charme de la chanteuse à la voix grave, voire androgyne, dont certains dirent qu'elle flattait si bien l'âme kitsch habitant tout Allemand.

LB