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Chroniques
archives Benjamin Britten
enregistrements 1953-1959
Quand tant d’artistes souffrent de parents contrariants, le jeune Britten (1913-1976) grandit entre un père qui interdit la radio à la maison, pour inciter à la pratique de la musique, et une mère chanteuse qui devient son premier guide dans l’apprentissage du piano. À onze, il débute l’étude de l’alto avec Audrey Alston, laquelle lui fait rencontrer Frank Bridge, son aîné de trente-quatre ans qu’il avait entendu diriger The sea, en 1924. D’abord réticent à enseigner à un garçon de quatorze ans qui depuis l’âge de cinq enchaîne l’écriture d’une centaine d’opus – quatuors à cordes, sonates, le poème symphonique Chaos ans cosmos, l’oratorio Samuel, etc. –, l’ancien membre de quatuors renommés (Grimson, Joachim, etc.) canalise les dons de celui qui lui deviendra aussi cher qu’un fils. Britten témoignerait plus tard de ses années ardues, mélange d’assimilation rapide de l’orchestration et d’anéantissement de toute velléité de se montrer satisfait de soi, passées à côté d’un maître attentif et exigeant :
« Dans tout ce qu’il a fait pour moi, il existait deux principes cardinaux, le premier étant de se trouver, puis, y étant parvenu, d’y être fidèle. L’autre – évidemment intimement lié au premier – était l’attention scrupuleuse qu’il accordait à la nécessité d’acquérir une technique solide, d’exprimer de manière claire ce qu’on avait à dire. Il m’a transmis le sens de l’ambition du savoir technique. Les gens ont tendance à penser que lorsqu’on a accumulé une multitude d’œuvres, on doit se sentir pleinement confiant. Ce n’est absolument pas le cas. Dans ma musique, je n’ai toujours pas atteint la simplicité que je souhaite, et je suis éminemment conscient de n’être pas digne du niveau technique voulu par Bridge ».
Sorti en amont du centenaire Britten fêté en novembre prochain, ce coffret de dix CD propose quelques œuvres enregistrées pour la plupart entre 1953 et 1958, le plus souvent par le compositeur lui-même. C’est ainsi qu’on retrouve, à la tête d’orchestres anglais et danois, le créateur de The burning fiercy furnace [lire notre critique du DVD] jouant Sinfonia da requiem Op.20 (1941) et Diversions Op.21 (1942/51) en 1954, le ballet The prince of the pagodas (1957) l’année même de sa création – sans doute après les coupes pratiquées dans un ouvrage pris en horreur –, l’opéra Peter Grimes Op.33 (1945) en 1958, et Nocturne Op.60 (1958) en 1959.
Quant à eux, durant la seule année 1953, Eugene Goosens dirige Serenade Op.31 (1943), Eduard van Beinum The young person’s guide to the orchestra Op.34 (1946) et Herbert von Karajan Variations on a theme of Frank Bridge Op.10 (1937). Peter Gelhorn joue A charm of lullabies Op.41 (1948) en 1957 et nous retrouvons Goosens dans Les illuminations Op.18 (1940) en 1959. Plus récemment, Osmo Vänskä enregistre le Concerto pour violon en ré mineur Op.15 (1939/58) en 2002 et Anton Neyder A ceremony of carols Op.28 (1942) – extrait, semble-t-il, d’un CD Acanta qui met en avant les Wiener Sängerknaben, paru en septembre 2012.
Le ténor Peter Pears se distingue dans la plupart des œuvres au programme. Issu d’une famille vouée à l’armée et à l’église, le compagnon de Britten n’a pas connu l’affection familiale de son cadet : placé très tôt en pension, l’école devient un ersatz de foyer où il approche la musique chorale. C’est la mort accidentelle de Peter Burra, critique d’art dont ils doivent régler les affaires, qui va rapprocher les deux hommes à partir d’avril 1937, à l’heure où l’éloignement de Bridge se fait sentir. Vingt-deux ans plus tard, ils enregistrent Die schöne Müllerin D 795 (Schubert), qui sert d’entracte à ce panorama du plus célèbre musicien anglais du XXe siècle.
LB