Chroniques

par samuel moreau

archives Astrid Varnay
Wagner en studio (1942-1954)

1 CD Idis (2007)
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archives Astrid Varnay | Wagner en studio (1942-1954)

Pour sûr, on ne se lassera pas d'écouter la grande Astrid Varnay dans son répertoire de prédilection : les héroïnes wagnériennes qu'elle incarna régulièrement depuis son remplacement de Lotte Lehmann dans Sieglinde au Metropolitan (New York) en 1941.

Les gravures reproduites sur ce CD nous transportent au début d'une carrière fascinante, soit en 1942, un an après le succès évoqué plus haut, de sorte que c'est une voix d'à peine vingt-quatre ans que l'on y entend. Dans Allmacht'ge Jungfrau de Tannhäuser, conduit par Erich Leinsdorf, l'égalité de la pâte vocale surprend, la couleur est naturellement inimitable, l'interprétation assez prudente. Les Einsam in trüben Tagen et Euch Lüften, die mein Klagen extraits de Lohengrin, enchantent par la fraîcheur de leur approche, santé et musicalité étant, bien sûr, au rendez-vous. Si la ligne de chant de Du bist der Lenz de Walküre est un peu brutale, la plénitude est survenue lorsqu'après-guerre le grand soprano dramatique américano-suédois enregistre avec Hermann Weigert qui vient de l'épouser trois autres airs fameux. Astrid Varnay a élu domicile en Allemagne, après que Kirsten Flagstad l'ait activement recommandée à Wieland Wagner pour, en quelque sorte, lui succéder à Bayreuth – s'expliquant sur la sobriété de ses mises en scène, le petit-fils du compositeur dira « pourquoi me faudrait-il un arbre sur scène puisqu'Astrid Varnay s'y trouve !? » –, et chantera rien moins que dix-sept festivals !

La Ballade de Senta (Der fliegende Holländer) révèle le naturel confondant de cette voix ample, facile, colorée et généreuse. Ici, Varnay accompagne son legato comme personne. L'expressivité est dense, ménageant certains effets sur le texte, discrètement mais sûrement. La nuance rebondit avec onctuosité, sans contredire en rien la vigueur générale. C'est évident lorsqu'on se penche sur Der Männer Sipper de Walküre : en neuf ans, l'intelligence dramatique lui a poussé ! On continue de s'étonner d'un espace vocal qui paraît inépuisable et qu'on ne finira jamais d'explorer. La mort d'Isolde (Tristan und Isolde) s'avère cependant moins concluante – George Sebastian dirige le Philharmonia Orchestra –, avec des attaques souvent prises par le dessous. Indéniablement, sa Kundry (Ich sah das Kind de Parsifal) fut inoubliable, comme en témoigne la plage 11 où le même orchestre est dirigé, cette fois, par Weigert.

Tristan toujours, en 1954 et avec Weigert encore, soit moins de deux ans avant de chanter Isolde au Palais Garnier, ici avec l'Autrichienne Hertha Töpper, saine Brangäne de trente printemps. Puis Siegfried avec l'excellent Wolfgang Windgassen, où elle libère un vibrato plus large, presque encombrant même ; enfin un sublime Starke Scheite schichtet mir dort ! du Crépuscule, dans lequel le timbre se fait plus chaud qu'ailleurs, et auquel le chef offre une présence instrumentale extraordinaire – ces trois derniers airs sont joués par les musiciens du Sinfonieorchester des Bayerischen Rundfunks.

Que de grands moments !

SM