Chroniques

par laurent bergnach

Antonio Vivaldi
Armida al campo d’Egitto | Armide au camp d’Égypte

3 CD Naïve (2009)
OP 30492
Antonio Vivaldi | Armida al campo d’Egitto

Abandonnée par Rinaldo, jurant de se venger, la magicienne et princesse de Damas Armida se rend à Gaza où le Calife passe en revue les troupes musulmanes. Sous le charme, certains vont lui proposer leurs services : Tisaferno, et surtout Andrasto, dont est amoureuse Osmira, nièce du Calife. Pour sa part, Armida tente de séduire le général Emireno, épris de la prisonnière Erminia, restée fidèle à Tancredi. Voyant dans l’étrangère une alliée, la naïve Erminia lui demande de transmettre un message à ce dernier. Mais la magicienne détourne le message vers Emireno. Le rendez-vous tourne mal pour le général qui, soupçonné d’outrage, risque la mort. L’agitation est à son comble quand on annonce un duel entre Tisaferno et Andrasto, ainsi que la fuite de la prisonnière. Celle-ci retrouvée, les manigances d’Armida sont mises à jour. Le pardon lui est accordé, tandis que l’armée prépare son offensive contre les Francs.

Cinq ans après Ottone in villa (1713), le premier opéra connu d’Antonio Vivaldi, Armida al campo d’Egitto est créé au Teatro San Moisè, le 15 février 1718. À Venise, cette année-là, une concurrence entre théâtres fait rage, et on recense seize productions en cinq mois (dont seulement deux comiques). La nouveauté est un atout pour attirer le public, ce qu’incarnent le Prete Rosso, soucieux de rajeunir le dramma per musica, et Giovanni Palazzi, librettiste alors débutant des futurs La verità in cimento (1720) et Rosilena ed Oronta (1728). Si le personnage d’Osmira est inventé, tous les autres se retrouvent dans trois livres de La Gerusalemme liberata (1581), le poème épique de Torquato Tasso. Reprise sous la direction du compositeur au terme de sa carrière, cette œuvre de jeunesse semble avoir toujours envoûté le public.

À la partition autographe conservée à Turin, il manque le deuxième acte ; Frédéric Delaméa et Rinaldo Alessandrini ont donc tenté une reconstitution. Si trois arias conservées dans d’autres partitions apparaissent sous leur forme originale, ces fins connaisseurs du Vénitien durent chercher et en adapter d’autres « qui, par le mètre poétique et le caractère musical, puissent correspondre à celles que l’on rencontre dans le livret ». Dans la notice accompagnant cet enregistrement, le chef commente en détail ces emprunts, ainsi que son travail archéologique sur les récitatifs et sur les chœurs.

À la tête du Concerto Italiano, Alessandrini offre une direction nuancée et énergique, caractérisée sans être hystérique, dans un espace dépouillé de réverbération. Une distribution vocale équilibrée profite de l’éclat de cet écrin : Sara Mingardo (Armida tantôt impérieuse, tantôt attendrie) ; Furio Zanasi (Califo enveloppant) ; Marina Comparato (Emireno) ; Romina Basso (Adrasto ferme et incisif) ; Martín Oro (Tisaferno de force et de douceur) ; Monica Bacelli (Osmira d’une grande souplesse) et Raffaella Milanesi (Erminia). Cette virtuosité tranquille, venant couronner un travail musicologique inestimable, méritait bien la récompense d’une Anaclase !

LB