Chroniques

par laurent bergnach

Antonio Cartellieri
Gioas, re di Giuda

1 coffret 2 CD MDG (1997)
MDG 338 0748-2
Gernot Schmalfuß joue Gioas, re di Giuda (1795), drame sacré de Cartellieri

Né de père italien et de mère lettone, tous deux chanteurs qui lui apprennent la musique avant de divorcer, Antonio Casimir Cartellieri (1772-1807) se retrouve très jeune à composer au service du comte Oborski, en Pologne. Avec ce dernier, il voyage à Berlin où son premier opéra est créé (Die Geisterbeschwörung, Singspiel en deux actes), puis à Vienne où approfondir ses connaissances auprès de Salieri et d’Albrechtsberger – organiste à la cour impériale et maître de chapelle à Saint-Étienne. Remarqué par le prince Joseph Lobkowitz en 1796, le jeune homme devient maître de chapelle, professeur de chant et violoniste à sa cour, jusqu’à sa mort précoce, vingt ans plus tard.

De ce musicien presque oublié, découvrons le drame sacré Gioas, re di Guida créé au Wiener Burgtheater le 29 mars 1795 – associé ce jour-là à la première pièce publique d’un artiste prometteur : Ludwig van Beethoven. Gioas repose sur l’aménagement d’un célèbre livret de Métastase (retrait de récitatifs, ajout d’ensembles), mis en musique une première fois par Georg Reutter en 1735, et plus d’une vingtaine de fois ensuite. Il s’appuie sur l’Ancien Testament, plus précisément les Deuxième livre des Rois Ch.11 et Deuxième livre des Chroniques Ch.22-23. La figure centrale en est Athalie, veuve du roi Joram et femme de pouvoir friande de cultes païens qui inspira jadis Racine (1691) et Händel (1733).

Les Juifs sont opprimés par la reine Atalia et les prophètes de Baal – dont Matan, son confident. Mais le grand-prêtre Giojada annonce la fin de leurs souffrances : un descendant de la lignée de David s’assiéra bientôt sur le trône. En effet, parmi les petits-enfants d’Atalia dont elle a commandité la mort pour régner sans partage, il sait qu’a survécu le petit Gioas sauvé par sa tante et élevé en secret. Métastase met en scène également le personnage de Sebia, la mère manipulée du petit garçon qui va devenir un roi dévoué à Dieu. Après les hommages rendus par les Lévites et le peuple entier, Atalia sombre dans la folie et trouve la mort sous les coups de ses adversaires.

Hérault d’une musique de transition (on y entend un peu Mayr et Mozart, beaucoup Rossini et Beethoven), Gernot Schmalfuß conduit le Detmolder Kammerorchester avec infiniment de tendresse, en accord avec les émotions paisibles de l’amour maternel qui dominent l’ouvrage et prennent le pas sur les fureurs royales. Pour des détails supplémentaires sur l’originalité de Cartellieri (rareté du récitatif secco, de l’aria da capo, etc.), on se reportera à une notice signée Irmlind Capelle, laquelle précède la reproduction du livret italien et sa traduction allemande. Cette captation de décembre 1996, parue une première fois l’année suivante, est de nouveau disponible aujourd’hui.

Mezzo d’une grande agilité, Katharina Kammerloher incarne le rôle-titre face à Gesa Hoppe (Sebia), soprano clair et fougueux. Soprano elle aussi, Ingeborg Herzog (Atalia) campe un personnage peu présent qu’elle rend néanmoins mémorable, avec ampleur et couleur. Thomas Quasthoff (Giojada) offre un baryton souple et d’une extrême douceur, comme en témoigne son air initial, D’insolito valore. Dans un même registre, petite faiblesse à une fiabilité globale, Jörge Hempel (Matan) accuse un grave un peu léger. Quant à lui, Hugo Mallet (Ismaele) est un ténor vaillant et nuancé. Enfin, nous apprécions l’efficacité du Bachchor Gütersloh, formé par Sigmund Bothmann.

LB