Chroniques

par hervé kœnig

André Tubeuf
Richard Strauss

Actes Sud / Classica (2005) 216 pages
ISBN 978-2-7427-4912-6
une lointaine évocation de Richard Strauss par André Tubeuf

La nouvelle collection de biographies de compositeurs que les éditions Actes Sud et le magazine Classica ont inaugurée l'an dernier avec le Chopin d'Alain Duault s'étoffe de mois en mois, et republiait cet automne le Richard Strauss d'André Tubeuf, déjà paru chez Albin Michel il y a vingt-cinq ans. On connaît bien le travail de l'éminent chroniqueur et critique qu'on ne présentera plus. En revanche, autant différents journaux purent s'honorer de sa plume tant précise qu'autorisée par une vraie connaissance de ses sujets qu'elle s'évertua de transmettre, autant cet ouvrage restera-t-il une énigme n'offrant que fort peu d'intérêt.

Qu'est-ce au juste ? Une rêverie sur Vienne et l'Europe d'avant guerre, introduite par une nébuleuse évocation de Goethe ou Nietzsche, sur fond de passéisme amer ? Tout y passe, dans un style qui, pour incompréhensible qu'il soit, ne livre rien des trésors de l'esprit que son auteur prétend posséder – souhaitons lui de s'en convaincre lui-même à la mesure du déplaisir que nous avons rencontré à perdre notre temps à le lire. Peut-il paraître cohérent qu'un livre sur Strauss ne vous apprenne absolument rien du tout d'essentiel sur le musicien, sur l'homme, ni sur l'œuvre ? Partant que le lecteur commence à croire en toucher enfin le propos véritable après six chapitres préfaciers de redites inutiles et complaisantes pour ne finalement subir qu'une glose emphatique s'adonnant à une exquise psychanalyse d'épicier tout en s'évertuant de jalonner son discours de revendications personnelles non dénuées d'extensions politiques, il se trouvera bien heureux de goûter trois ou quatre anecdotes inintéressantes qui n'en demeurent pas moins le seul but avoué de cette logorrhée emphatique manifestement incurable.

Pour tous ceux qui aiment à croire ou à faire croire que la musique soit un domaine réservé, et qui, de ce fait, espère l'utiliser comme identification sociale ou repoussoir des mondes de toute autre provenance que le leur, bref : si vous êtes mélomanes comme l'on devient notaire, alors, les yeux fermés, il vous faut posséder un tel opuscule – je tiens à soulignerposséder et les yeux fermés...

Avec ce Richard Strauss, la collection fait un premier faux pas dans un chemin dont nous saluons par ailleurs la pertinence et la concision. Il ne nous appartient certes pas de nous interroger sur les raisons d'une telle publication.

HK