Chroniques

par murat iorov

André Campra
grands motets

1 CD Virgin Classics (2003)
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André Campra | grands motets

Après des débuts assez géniaux, la musique religieuse courtoise, si vous me permettez cette appellation peut-être paradoxale qui désigne assez justement une réalité exclusivement française, connaît une période de stagnation durant laquelle les compositeurs semblent rivaliser d'ennui. André Campra, érudit provençal enjoué, viendra balayer la poussière des sinécures de Cambrefort, de Lambert, Mauduit, Lochon ou encore Moulinié. Son style inimitable bouleverse autant la Chapelle du Roy que l'Opéra, et le disque paru il y a quelques semaines chez Virgin Classics rend parfaitement compte de la richesse de sa production. Si les acteurs de la scène musicale baroque commencent à ressusciter les ouvrages de Jean-Baptiste Lully, les partitions de Campra restent encore trop rares. Avec un peu de chance, on pourra entendre de temps en temps son Requiem, mais c'est à peu près tout.

William Christie et son ensemble présentent trois Grands Motets et un extrait du Requiem. On ne peut qu'admirer la facture de ces partitions sensibles, ornées et inventives. Ces œuvres sont tardives dans la production du compositeur, et se nourrissent d'une maîtrise où la grâce et l'élégance parviennent sans mal à magnifier une relative gravitée, sans piétiner les principes de Lalande. Quel mordant dans l'écriture pour chœur ! Il n'est qu'à écouter le final de Notus in Judea Deus (plage 9) pour toucher cette belle marque de fabrique. Le chef américain connaît ce répertoire depuis longtemps, et ne fut pas le dernier à le défendre. Il propose une version d'une belle tenue.

Personnellement, je ne me lasse pas d'écouter le majestueux De Profundis, conduit avec une dignité qui n'est jamais solennelle, même si je suis peu convaincu par les approximations d'Andrew Foster-Williams (basse-taille). Mais les parties de dessus par Jaël Azzaretti, autant que les interventions de l'excellent Paul Agnew, magnifient un casting dont l'équilibre douteux ne fera pas date. Juste après la simplicité affectée de ce motet, la pompe surgit en l'éclatant Exaudiat te Dominus, souverainement articulé. Avec un style très travaillé, cette interprétation dépasse l'étroitesse de vue dont purent souffrir certaines tentatives d'honorer la musique à la Cour de Versailles. C'est tout le contraire : chaque verset respire le naturel, ce qui est un exploit dans une musique tellement artificielle.

MI