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Chroniques
Édouard Lalo
Le Roi d’Ys
C'est tardivement, et à pas mesurés, qu'Édouard Lalo (1823-1892) aborde le genre lyrique, avec Fiesque tout d'abord – ouvrage présenté à un concours en 1867, et au public près d'un siècle et demi plus tard –, puis avec Le Roi d'Ys, créé avec succès à l'Opéra Comique, le 7 mai 1888. Jusque-là, le musicien a surtout fréquenté la musique de chambre : en effet, après l'étude du violon et du violoncelle amorcé dans sa région lilloise, un perfectionnement auprès de François Antoine Habenek (soliste réputé, futur directeur musical de La Juive, Robert le Diable ou Benvenuto Cellini), et l'initiation à la composition avec Julius Schulhoff (pianiste) et Joseph-Eugène Crèvecoeur (étudiant à peine plus âgé que lui), Lalo intègre en 1855 l'un des premiers quatuors stables formés en France. Altiste tout d'abord, puis violoniste au sein du Quatuor Armingaud, il approfondit sa connaissance d'un répertoire allemand qu'il aime tant (Beethoven, Schubert, Mendelssohn, Schumann et Weber).
Après l'inspiration orientaliste du ballet Namouna – hué en 1882, bien que Debussy y reconnut une manière de chef-d'œuvre –, Le Roi d'Ys puise dans une ancienne légende bretonne les ingrédients de l'ouvrage romantique idéal : deux filles de roi amoureuses du même homme, la haine de la sœur délaissée pour sa rivale heureuse, son alliance avec le prince Karnac pour ruiner la cité, enfin l'inondation de cette dernière, qu'interrompt Saint Corentin après l'expiation de la coupable. À une partition longtemps remaniée qui reprend des motifs de style populaire, teintée du wagnérisme régnant alors, l'alerte Patrick Davin offre relief lyrique, précision du dessin, et juste ce qu'il faut de grandiloquence ; mais il faut le reconnaître plus brouillon sur les parties impliquant les chanteurs, et même dangereux pour ces derniers de part ses mobilités de tempo.
En ce mois d'avril 2008, à l'Opéra Royal de Wallonie, les héroïnes du drame profitent du chant large de Giuseppina Piunti (Margared) et de Guylaine Girard (Rozenn), des graves profonds de la première et du phrasé onctueux de la seconde. Rôle-titre d'une diction exemplaire, Éric Martin-Bonnet s’avère vaillant dans l'ensemble de la tessiture et nuancé dans l'aigu. Werner Van Mechelen (Karnac) se révèle efficace, mais plus encore Léonard Graus (Saint Corentin) et Marc Tissons (Jahel). Hélas, outre la mise en scène périssable de Jean-Louis Pichon, il faut signaler la déception d'entendre ici Sébastien Guèze (Mylio). C'est maintenant ou jamais que le jeune ténor doit se remettre en question car s'il réussit de rares passages en voix mixtes, son chant trahit un placement mal contrôlé et un impact changeant, un aigu brutal et instable puisqu'au soutien déficient.
LB