Chroniques

par katy oberlé

Z mrtvého domu | De la maison des morts
opéra de Leoš Janáček

Royal Opera House, Londres
- 19 mars 2018
Mark Wigglesworth joue De la maison des morts (1930), opéra de Janáček
© clive barda

S’il était indispensable que l’Opéra de Londres affichât enfin l’ultime opéra de Leoš Janáček, quatre-vingt dix ans après sa création mondiale, n’aurait-il pas pu se passer d’en confier la production à Krzysztof Warlikowski ? De moins en moins inspiré, ces derniers temps, le metteur en scène polonais n’a pas envie de se pencher sur Dostoïevski, ce qui est encore acceptable, puisqu’il s’agit là de l’interprétation du récit de l’écrivain par le compositeur. Mais le problème, c’est qu’à ce dernier il n’estime rien devoir non plus. Il préfère convoquer Michel Foucault, dont sont projetés des extraits d’interviews à propos de l’incarcération, et de vrais détenus, dont un qui attend dans le couloir de la mort avant d’être exécuté. Sauf que Janáček, comme Dostoïevski, ne s’intéressent pas au système mais aux malheureux qui le subissent. En soi, on pourra trouver louable qu’un artiste interroge la prison d’aujourd’hui et les causes idéologiques qui lui donnent son existence. Mais une véritable réflexion prendrait en compte également la réalité du crime : il y a un seul prisonnier politique sur scène, tous sont des droits communs. L’idéalisation d’un état sans prison est aussi divertissante que malhonnête. Peut-être renvoie-t-elle au vécu de Warlikowski lui-même, né dans une Pologne sous domination communiste, et peut-être l’homme évite-t-il aussi de nous parler de Dieu, sujet principal de l’œuvre, parce qu’il va tellement de soi dans son pays d’origine qu’il est la prison à lui tout seul… peut-être… peut-être… L’interruption répétées de la représentation par des tranches de vie difficile et des incursions philosophiques médatisées manque de respect au musicien et fait baîller une grande partie de la salle. On est content d’apprende la fascination de Warlikowski pour les shorts de foot et les gros bras !

Sur qui compter pour sauver la soirée ?
Sur les chanteurs, évidemment – ils n’ont pas pour habitude de se payer la tête du client, eux. En plus d’un très grand investissment d’acteurs comme on en rencontre peu, des incarnations vocales, fulgurantes pour les uns, moins directes pour les autres, satisfont haut la main. On retrouve l’excellent Štefan Margita, toujours aussi flamboyant, et un Johan Reuter plus robsute que jamais, fort efficace. À ses côtés, Ladislav Elgr, très lumineux et émouvant, le chant plus qu’élégant de Peter Hoare, enfin l’autorité superlative d’Alexander Vassiliev. Pas de conviction quant aux performances de Pascal Charbonneau, assez terne, de Willard White décidément trop fatigué, maintenant, ou d’Alisson Cock, prudente à l’excès. En revanche, Nicky Spence irrédie tout le plateau par des moyens parfaitement maîtrisés et une luxueuse musicalité. Après avoir salué dignement les choristes, magnifiques, on se taira pour la fosse, techniquement bien tenue, mais dirigée d’une main assoupie. Force est donc de conclure que De la maison des morts à loupé le coche londonien.

KO