Chroniques

par bertrand bolognesi

XIVe et XVe siècles à deux voix
récital Vivabiancaluna Biffi et Marc Mauillon

Musée de Cluny, Paris
- 10 septembre 2017
récital Vivabiancaluna Biffi et Marc Mauillon au Musée de Cluny (Paris)
© alain genuys | centre de musique médiévale de paris

De nombreux musées sont équipés d’auditorium et, quand ce n’est le cas, de salle pouvant accueillir conférences, tables rondes et concerts. Ainsi du Musée de Cluny qui propose une saison musicale dans les vieilles pierres. Né de l’envie de chanter ensemble, le programme concocté par Vivabiancaluna Biffi et Marc Mauillon pour ce premier rendez-vous du millésime 2017/18 franchit à plusieurs reprises les cols alpins. À deux voix, l’on y chantera en italien et en français, parfois dans l’italien approximatif d’un musicien né de ce côté-ci des sommets ou, à l’inverse, dans le français hasardé d’un créateur de l’autre versant. Le thème de cette brève promenade vespérale semble bien être l’amour, celui inlassablement déclaré à la belle inaccessible, de lonh, qui, au fil du temps historique, entre en jeu, abandonnant son rôle d’intouchable miroir pour peu à peu regarder, elle aussi, parler, dialoguer et – qui sait ? –plus encore. Trois parties structurent donc ce moment, du temps de la projection pure et sans autre espoir à celui de l’incarnation.

La polyphonie italienne ouvre la fête, avec les échanges ornés de l’anonyme Non vedi tu, Amor, échappé du Codex Rossi (XIVe siècle). Le mariage du timbre chaleureux de Vivabiancaluna Biffi et de la clarté glorieuse de Marc Mauillon se poursuit dans Un bel perlero de Jacopo da Bologna, moins austère, puis Fenice fui, plus ornemental encore. Suivent deux pages de Francesco Landini, le plaintif Non e Narciso, puis Adieu, adieu (en langue française) : les interprètes se séparent, Marc Mauillon commence seul, tendrement, la vièle l’accompagne un peu plus tard par un chemin de pizz’, puis à l’archet, voix intermédiaire, instrumentale, invitant enfin Vivabiancaluna Biffi dans cet air à trois.

Je ne cuit pas entre dans le monde de Guillaume de Machaut. La voix féminine parle cette ballade dolente en volutes sur une vocalise, qu’on dira instrumentale, de son compère. Véritablement à deux voix, cette fois, Je puis trop bien ma dame comparer regarde vers les anciens mythes, non chrétiens (Pygmalion, Médée, etc.). L’anonyme Pour vous servir belle joyeusement déroge au soupir mélancolique. Il fait également usage de seuil entre les deux siècles de ce parcours.

En effet, avec Antoine Busnoys nous quittons définitivement le Trecento. Accompagné par la vièle chantante, le délicat entrelacs de Con tutta gentilezza unit les deux voix en italien. Moins savant, Aqua, aqua, aiut’al foco ! de Bartolomeo Tromboncino les fait dialoguer dans une verve plus populaire sur une vièle pincée. Après la triste ritournelle Anima mi ache pensi dont l’auteur demeure inconnu, une danse instrumentale enjouée introduit, de bonne humeur, un court duo répétitifde Niccolò Piffaro. Deux prochains rendez-vous à noter : ici, le 8 octobre, avec Silke Gwendolyn Schulze, et avec Marc Mauillon au Théâtre des Abbesses pour un menu Bach et Telemann (avec Marie Rouquié et Benjamin Alard, le 30 septembre).

BB