Chroniques

par laurent bergnach

Woyzeck on the Highveld
spectacle de la Handspring Puppet Compagny

Festival d'Automne à Paris / Centre Pompidou, Paris
- 24 septembre 2009
Woyzeck on the Highveld, spectacle de la Handspring Puppet Compagny
© dr

À Cape Town (Afrique du Sud), l'année 1981 marque la naissance de la Handspring Puppet Compagny, dont certains des fondateurs – Basil Jones et Adrian Kohler, créateur des personnages – sont ce soir sur scène. Assez vite, le projet d'amener les adultes au théâtre de marionnettes remporte un vif succès, et la compagnie enchaîne les tournées internationales. Primé plusieurs fois dans son pays d'origine, Woyzeck on the Highveld voyage ainsi, de festival en festival, depuis 1992. Avant Faustus in Afrika (1995), Ubu and the Truth Commission (1997) ou encore Zeno at 4 am (2001), l'homme de théâtre et de cinéma qu'est William Kentridge (né à Johannesburg en 1955) en assure la mise en scène – Luc de Wit se chargeant à présent de la reprise – et dessine le film projeté en arrière plan de l'action.

« Il y a une relation intéressante, dit-il, entre les marionnettes, faites en bois sculpté, et les animations, faites au fusain. La rudesse de la taille des marionnettes et la rudesse du trait des animations produisent une synchronicité. Elles travaillent ensemble. » Puis, commentant les multiples aspects de ces animations : « Parfois elles fonctionnent comme paysage, parfois comme décor, construisant l'espace dans lequel se déroule la scène ; parfois elles nous dévoilent ce qui se passe dans la tête d'un personnage, et parfois ce que les personnages regardent ».

Avec cynisme, un bateleur – Mncedisi Balwin Shabangu – invite à un drame antique (« mais avec des corps frais tous les jours »), soit les derniers instants de Maria et de Harry Woyzeck, travailleur migrant né en 1956, qui erre sur le plateau minier du Highveld, près de Johannesburg. Inéluctablement, hier chez Büchner comme aujourd'hui à travers le monde, le prolétaire inculte est broyé par un système scientifique et religieux qui le dépasse. Souvent visibles, le visage expressif, les manipulateurs articulent les marionnettes à baguette sans temps mort, dans des ambiances sonores et musicales variées (bruit du vent et du tonnerre, danse rythmée, Suite pour violoncelle de Bach, etc.) dont perdure ce fredonnement éraillé et androgyne, sur fond d'accordéon mélancolique.

LB