Chroniques

par laurent bergnach

Wolpe ! Welche farbe hat der Vogel ?
spectacle autour des chansons de Stefan Wolpe

Opéra national de Paris / Amphithéâtre Bastille, Paris
- 17 avril 2008
Wolpe !, spectacle autour des chansons de Stefan Wo
© murdo macleod

Né à Berlin en 1902, mort à New York en 1972, Stefan Wolpe fait partie de ces esprits qui savent la valeur d'une rencontre (Busoni au Conservatoire, Klee au Bauhaus) et le coût de l'engagement politique ; dès la fin des années vingt, le compositeur met son talent musical au service du mouvement antifasciste, jusqu'au moment de fuir le pays à l'avènement d'Hitler, doublement menacé comme Juif et intellectuel. Wolpe ! Welche farbe hat der Vogel ? se voulant une exploration de l'attitude que le musicien a adoptée face à son époque, le spectacle – mis en scène efficacement par Caroline Petrick, produit par Muziektheater Transparant – a pour point de départ les œuvres de la période 1929-1933, lorsque des chansons sont écrites pour les syndicats ouvriers et les créateurs de théâtre engagé. Comme elle semblent pleines de bon sens ces femmes qui enferment leurs hommes à la maison lorsque la guerre se dessine, et s'en vont donner la fessée à ses commanditaires, « aux patrons de banques et d'industrie / aux ministres et aux officiers » !

Fréquentant l'univers de Wolpe depuis deux ans, Gunnar Brandt-Sigurdsson nous invite tout d'abord à venir au théâtre, pour oublier nos soucis. Dès la première strophe de Haben Sie Kummer / Avez-vous du chagrin (1931) – chantée a cappella, comme plus tard Ballade von den Osseger Witwen / Ballade des veuves d'Osseg (1943) –, nous apprécions une voix bien placée, un timbre caressant de ténor à l'articulation et à la projection efficaces. Doux-amer en annonçant la venue d'un monde meilleur pour la classe opprimée, le chant se fait rageur pour évoquer la réalité, comme sur le refrain de Wir sind entlassen / Nous sommes licenciés ! (1932). Sur un ton encore différent, An Anna Blume (1929) propose de goûter à une veine dadaïste proche de Schwitters.

En écho aux textes de Moos, Weinert, Eckelt et, bien sûr, Brecht, la comédienne Viviane De Muynck propose les mots de Thomas Moore, Lénine ou Platon, mêlés à quelques anecdotes de la vie de Wolpe et à sa conception de la musique – comparée à un iceberg, à un aquarium ou à une rangée de cendriers. Elle rappelle quelques ferments du communisme : la fin de la paysannerie a laissé place à la toute-puissance (apparente) d'un capitalisme destructeur, en opposition avec le temps de la pensée. Paradoxalement, ses feuilles à la main, la conférencière déçoit (volume confidentiel, débit trop rapide et quelques trous de mémoires) tandis que la chanteuse occasionnelle révèle des aigus veloutés et des graves conséquents. Accompagnateur à l’entrain discret lors des chansons politiques, Johan Bossers devient un pianiste plus sonore, émouvant, pour les différents extraits de Battle Piece (1943-1947).

LB