Chroniques

par bertrand bolognesi

Weiner-Szász Kamaraszimfonikusok, János Bali
Carl Philipp Emanuel Bach | Die Israeliten in der Wüste

Budapest Music Center, Budapest
- 30 mai 2015
la nouvelle salle de concert du BMC, à Budapest : concert CPE. Bach
© tamás bujonovszky

C’est principalement par le disque qu’on connaît cette œuvre de Carl Philipp Emanuel Bach, Die Israeliten in der Wüste, qui n’a pas la chance d’être régulièrement programmé par les salles de concert, alors qu’il y aurait certainement toute sa place, à plus d’un titre. D’abord parce qu’il constitue, comme toute la musique de ce Bach-là, un bel exemple du répertoire intermédiaire qui déjà quittait l’enclave baroque pour inventer le classicisme ; ensuite parce que, par-delà une écriture vocale exigeante, il ne nécessite pas forcément de grands moyens, avec son effectif instrumental modeste et son chœur dont les forces peuvent être variables ; enfin parce que, tout simplement, voilà une musique remarquablement pensée, habile et bien construite, qui ne saurait laisser l’auditeur indifférent.

Les indéniables qualités de l’oratorio Les Israélites dans le désert n’ont pas échappées au Weiner-Szász Kamaraszimfonikusok (Orchestre de chambre Weiner-Szász) qui, honorant aussi volontiers la musique d’aujourd’hui que celle du XVIIIe siècle, joue sur instruments modernes. On ne verra point là matière à récriminer : nous sommes en 1769, un an avant la naissance de Beethoven dont peu de musiciens donnent l’œuvre sur instruments dits « anciens ». Bien plutôt, l’on appréciera la souple tonicité de l’interprétation, au fil d’une lecture à la tendresse précieuse, dans le bon sens du terme, mais encore parfaitement rigoureuse. On applaudit l’élégance de l’inflexion orchestrale qu’aucun heurt ne vient perturber jamais, y compris lors de la relative pompe par laquelle Bach salue l’arrivée de Moïse. À des cordes superlatives et des cuivres de bon aloi répondent des flûtes fort précises qui déclinent avec clarté leurs motifs, et un basson d’exception, magnifiquement articulé par Bálint Fábry – le motif de l’air accompagné de Chœur de Moïse, en fin de première partie, décliné trois fois avec de menues variantes, est pure merveille.

À la tête de la formation chambriste hongroise, János Bali cisèle discrètement l’exécution, fondateur il y a une vingtaine d’années du Chœur A:N:S, spécialisé dans la musique des XVe et XVIe siècles. Nous entendons ses voix dans des parties chorales d’une grâce notable, tour à tour expressive ou brillante. Les parties solistes sont tenues par certains artistes de cet ensemble, ce qui n’est pas toujours un avantage, il faut le reconnaître : choristes avant tout, il semble qu’ils ne parviennent à se prétendre solistes le temps qu’il faudrait, si bien que les soli paraissent un rien fragile et peu assurés. Mais en général, la tendance demeure à la plus saine nuance. Gardons principalement à l’oreille le robuste Moïse de Zoltán Mizsei, baryton corsé. Quant à la partie du Premier Israélite, elle est avantageusement confiée au jeune soprano Annamária Barabás qui lui impose une couleur toute mozartienne, dans une louable égalité de timbre sur tout le registre, non sans une certaine jubilation du chant dans les passages les plus acrobatiques – et Dieu sait si l’écriture de Bach est virtuose !

Dans l’écrin contemporain de pierre et de bois, ouvert récemment dans l’avenue Mátyás par le BMC (Budapest Music Center), le label discographique qu’évoquent régulièrement nos pages, Die Israeliten in der Wüste trouve un bon équilibre acoustique.

BB