Chroniques

par gilles charlassier

week-end Xenakis – épisode 4
Les Percussions de Strasbourg

Cité de la musique, Paris
- 19 mars 2022
Les Percussions de Strasbourg au Week-end Xenakis de la Cité de la musique
© ulf andersen

Si la musique d’Iannis Xenakis s’appuie sur des recherches mathématiques et stochastiques parfois complexes – l’exposition consacrée au compositeur (né il y a tout juste cent ans), organisée par la Philharmonie de Paris, présente au Musée de la musique des témoignages autographes remarquables –, elle ne renonce pas à la sensation ni à l’impact physique sur l’auditeur. Les deux fresques défendues ce soir, dans le cadre du Week-end Xenakis [lire nos chroniques des 17 et 18 mars 2022, et celle de cet après-midi], par Les Percussions de Strasbourg qui les a créées il y a un demi-siècle, l’illustrent avec éloquence.

Commande de la Ville de Strasbourg et de l’Opéra du Rhin entendue pour la première fois en 1979 avec une chorégraphie, Pléiades se donne comme un rituel en quatre parties déclinant les colorations de la génération rythmique aux gré des matières des instruments percussifs. Les Mélanges auguraux affirment un maelström pulsatif qui, dans l’écrin de la Salle de concerts de la Cité de la musique confine à la saturation décibélique, à laquelle le jeu énergique des pupitres alsaciens ne manque pas de participer. Les stridences harmoniques de la puissance des Métaux, où l’on distingue l’idiomatique sixxen (instrument à clavier de lames métalliques spécifiquement conçu pour le présent opus), constituent sans doute le tribut de l’ivresse sonore. Les éclats plus boisés des Claviers et les ressacs parfois murmurés des Peaux complètent un sonorama qui gagnerait en chatoiements dans une palette plus nuancée des attaques – surtout dans un dispositif acoustique qui ne connaît pas la dilution d’une scène extérieure comme l’Amphithéâtre du Domaine d’O où le Festival Radio France Occitanie Montpellier programmait la pièce l’été dernier.

Après cet étourdissement, Persephassa, également pour sextuor de percussions (commande du ministère de la culture et du Festival des arts de Chiraz-Persépolis où il fut créé en 1969), affiche, avec la répartition des solistes en six points répartis au niveau du balcon, un langage musical qui fusionne avec la pensée architecturale. Par la disposition scénique, la brutalité du son –moindre, au demeurant, que dans Pléiades , s’estompe devant une mise en lumière aux allures de cérémonial où textures et rythmes évoluent dans des superpositions mouvantes qui proposent une exploration complémentaire des ressources et des illusions de la perception. Avec des moyens tout autres, Xenakis rejoint, dans chacune de ces deux pages imposantes, les expérimentations autour de l’expérience sonore menées par le courant minimaliste. Il offre en tous cas un démenti incomparable aux allégations d’intellectualisme quant à une certaine avant-garde, que Les Percussions de Strasbourg balaient avec un élan communicatif. Le public ne boudera pas son plaisir.

GC