Chroniques

par françois cavaillès

Vivaldi ouvre de la quarantième édition du festival
Les Musiciens de Saint-Julien, François Lazarevitch

Festival d’Ambronay / Abbatiale
- 12 septembre 2019
François Lazarevitch ouvre la quarantième édition du Festival d’Ambronay
© bertrand pichène

Au moment de fêter ses quarante ans avec une interprétation très originale des Quattro stagioni d’Antonio Vivaldi ouvrant, en la grandiose abbaye bénédictine Notre-Dame, un mois de concerts des plus variés, le Festival d’Ambronay met en lumière le courant naturaliste du début du XVIIIe siècle. Dans ce courant sensible développé en marge du rationalisme, la musique est souvent descriptive de phénomènes naturels, comme l’explique le multi-instrumentiste, arrangeur gourmand et sympathique maître de cérémonie de la soirée, François Lazarevitch. Le flûtiste, à la tête de ses Musiciens de la Saint-Julien, prend soin de lire avant chaque concerto le sonnet lui correspondant (poèmes attribués à Vivaldi lui-même), en relevant quelques corrélations savoureuses entre texte et musique.

La primavera étonne fort, d’entrée, par la sonorité électrique, le long bourdon et l’étrangeté assez effrayante de la musette baroque, suivant l’arrangement de Nicolas Chédeville (1705-1782). Dans l’Allegro final, les huit musiciens ne manquent pas d’exprimer avec générosité comment la jeune saison épanche les soifs. Puis, L’estate passe comme un rêve et disparaît sous les bravos après tant de plénitude, de langueur et de rythme pour dépeindre la beauté rurale, l’atmosphère à la fois lourde et radieuse ainsi que, à la flûte à bec concertante, la nostalgie de cette saison aussi belle qu’éphémère. Le chant du pâtre affligé, à la flûte traversière, crée l’ambiance évocatrice de la vie des champs tandis qu’au célèbre Presto l’orage éclatant met l’abbatiale en extase. L’autunno vient ensuite, arrangé pour flûte traversière, d’abord festif et presque danseur (Allegro). Lancinant et grave, l’Adagio molto contraste avec le joyeux Allegro conclusif, illustrant une scène de chasse. Enfin les premières morsures de L’inverno sont bien relayées, dans un Allegro non molto d’anthologie, par un solo particulièrement rapide et mélodieux de François Lazarevitch, puis la bise enneigée furieuse et lyrique, les pluies glaciales égrenées par les violons, et finalement la sage morale distillée entre la tristesse presque morbide des cordes et la force revigorante de la flûte traversière.

En introduction s’est abattu le Concerto pour flûte à bec en fa majeur RV 33 « La tempesta di mare » (1729), à la faveur d’un Allegro entraînant et parfois délicieusement frissonnant. Tout aussi bien, et de la même main, survient en fin de programme le Concerto en sol mineur RV 439 « La notte », plus tendu, ou même alarmé, que porteur d’espoir. Les bis donnent un bel aperçu du large répertoire des Musiciens de Saint-Julien ; du plus émouvant, le Largo du Concerto en do majeur RV 443, si proche de l’opéra vénitien, au dansant folklore irlandais de l’air traditionnel When she cam’ ben she bobbit, et jusqu’à l’entêtante Badinerie de Johann Sebastian Bach (mouvement final de la Suite en si mineur BWV 1067, 1739). Ce concert, surprenant et gratuit, télédiffusé et accessible en ligne pendant un an, accompagné d’une compilation anniversaire, célèbre Ambronay comme lieu d’édition et de création riche en projets.

FC