Chroniques

par bertrand bolognesi

Valérie Gabail chante Kridel et Zelenka
Musica Florea et Les Plaisirs du Parnasse

Festival de Sablé / Auvers-le-Hamon, Brûlon et Chantenay-Villedieu
- 24 et 25 août 2006
le soprano français Valérie Gabail au Festival de Sablé, avec Musica Florea
© dr

La promenade festivalière se poursuit d’églises en églises, à travers la campagne. Ainsi entendions-nous, jeudi après-midi, quatre Concerts de Jean-Philippe Rameau, réunissant Chiara Banchini (violon) et Marianne Muller (basse de viole) autour du clavecin de Françoise Langellé, à Chantenay-Villedieu. Ce moment laissait apprécier une ornementation sans surenchère qui toujours ménagea la fluidité précieuse de l’articulation, dans des pièces de divers caractères dont quelques unes servirent au compositeur d’ateliers en vue de l’écriture de ses opéras. Le très gracieux Deuxième concert étonna par son goût des semi-développements contradictoires et expérimentaux. Cependant, assez rapidement, les instrumentistes s’essoufflèrent, de sorte que le clavecin ne fut pas toujours d’une fiabilité exemplaire et que le violon put sembler parfois assez négligeant.

Quelques heures plus tard, l’ensemble Musica Florea nous attendait à Brûlon pour un concert pragois du début du XVIIIe siècle. Comme nous vous l’expliquions dans le précédent compte-rendu de cette vingt-huitième édition du Festival de Sablé [lire notre chronique de la veille], la chanteuse française Valérie Gabail se produit ici aux côtés des musiciens tchèques, dans le cadre du partenariat avec l’Institut Français de Prague. Pour la plupart, les compositeurs joués cet après-midi demeuraient inconnu pour une grande partie du public, mis à part le grand Zelenka dont nous goûtions l’air En duplo sole Czechia en fin de programme. Auparavant, les artistes nous invitaient à la redécouverte d’Antonín Reichenauer (1694-1730) à travers deux Concerti, l’un en sol majeur pour flûte et orchestre, somptueusement servi par Marek Špelina, l’autre en ré majeur, conçu comme un trio à cordes avec basse continue.

Outre une cantate de Johann Christoph Kridel (1672-1733), Neu er öffnetes Blumengartlein, c’est surtout la musique de Jan Josef Ignác Brentner (1689-1742) qui était à l’honneur. Dès le Concerto n°6, on put apprécier une articulation élégante qui ne força jamais le trait, une accentuation judicieuse et quelques passages de danse particulièrement lestes. Le Concerto n°2 fit la part belle à la flûte, principalement dans le troisième mouvement – Largo très vivaldien. Enfin, les Cor meum tibi dedo et Plaude exulta cor meum, tous deux de 1716, trouvèrent en la voix de Valérie Gabail l’intermédiaire idéal. Les vocalises parurent faciles, évident l’éclat de l’aigu, le grave prenant un corps étonnant.

C’est à Auvers-le-Hamon que David Plantier et ses Plaisirs du Parnasse partageaient leur passion pour Westhoff et Walther, les virtuoses de Dresde. De Johann Paul von Westhoff (1656-1705), nous entendions la Sonate en la mineur n°2 dont la simplicité lapidaire du Largo introductif ne pardonne rien aux instrumentistes ; aussi, la réalisation en fut proprement fascinante. Cette pièce accuse des contrastes violents à travers un Presto touffu, une Imitation du luth d’un extrême raffinement, puis un Air grave à la riche plénitude, pour s’achever dans un Final des plus fiévreux. Cette stimulante opposition de caractères bénéficiait d’une lecture enthousiaste. Parce que l’on comprend souvent mieux ce que l’on connaît peu en le mettant en regard avec ce qui nous est plus familier, les artistes jouèrent la Pastorella de Biber où la perfection irréprochable des doubles cordes du violoniste fit sensation. Faisant le lien entre le CD consacré à Westhoff, publié par Zig-Zag Territoires, qui inaugurait nos Anaclases [lire notre critique], et la prochaine parution discographique, le programme explorait plus amplement l’œuvre de Johann Jakob Walther (1650-1717) à travers trois de ses opus : la Suite en ut mineur, une Aria en sol mineur dont l’interprétation réunissait vigueur et souplesse, enfin l’exquise autant que passionnante Serenata a un Coro di violini, Organo tremolante, Chitarrino, Piva, Due Trombe e Timani, Lira todesca e Harpa smorzata, pour violon solo, parcours imitatif haut en couleurs dont les effets s’affirmèrent parfaitement maîtrisés.

BB