Chroniques

par laurent bergnach

Vénus et Adonis
tragédie lyrique d’Henry Desmarest

Opéra national de Lorraine, Nancy
- 28 avril 2006
Vénus et Adonis, tragédie lyrique de Desmarest, à l'Opéra de Nancy (2006)
© ville de nancy

Éduqué au sein de la Chapelle Royale, dans l'entourage de Louis XIV, Henry Desmarest (1661-1741) reçoit les enseignements de Henry du Mont et Pierre Robert qui marqueront sa propre musique. De même l'influence de Lully est-elle sensible, puisqu’après des premières compositions d'ordre religieux, ce contemporain de Marais et Campra se lance dans des tragédies imprégnées du style française. Endymion (1682), Didon (1693), Circé (1694) voient le jour, jusqu'à la création de Vénus et Adonis, le 17 mars 1697, à l'Académie royale de musique (Paris). Le livret de Jean-Baptiste Rousseau emprunte aux Métamorphoses d'Ovide son couple principal.

Le mortel Adonis promit à Diane de renoncer à l'amour, mais ne peut rester indifférent à l'intérêt que lui porte Vénus. Cidippe, qui souffre d'être ignorée, déclenche la jalousie de Mars, compagnon trahie par la déesse. Diane intervenant elle aussi, il ne reste plus aucun espoir de survie pour Adonis, ni de raison de vivre pour Cidippe, qui se donne la mort. Deux ans plus tard, les amours contrariées de cette fiction seront le quotidien du compositeur, forcé à l'exil jusqu'en 1721, après avoir enlevé une de ses jeunes élèves, enceinte de lui, qu'on ne lui laissait pas épouser.

Pour rendre compte de ces cinq actes qui n'évoquent que des tensions amoureuses, la mise en scène de Ludovic Lagarde a privilégié des ambiances. Peu sollicités par l'action, les solistes et le fort appréciable Chœur de l'Opéra de Nancy et de Lorraine, tels les doux membres d'une secte pacifiste, déambulent le plus souvent sous des voiles vaporeux de couleur parme, saumon et rosâtre. À l'Acte III, le décor de Bernard Quesniaux offre à Vénus un jardin verdoyant toujours composé de matières souples, de formes molles. La chorégraphie d'Odile Duboc répond également à cette volonté générale de langueur, en favorisant le frôlement des corps habillés de blanc. Esthétiquement, tout n'est pas convainquant, comme ces carrés colorés, suspendus à l'Acte IV, ou les deux globes oculaires du V qui, de façon distanciée et ridicule, évoquent un monstre vengeur. Bref : l'intérêt de cette nouvelle production réside avant tout dans les voix.

Karine Deshayes, Vénus de rouge vêtue, possède un chant évident, clair et sonore qui installe immédiatement son personnage. Sa rivale est incarnée par Anna-Maria Panzarella, soprano aux aigus fiables, au timbre typé, qui séduit moins, cependant, par un jeu plus extérieur. Henk Neven (Mars) est un baryton aux graves solides, Jean Teitgen (Jalousie) une basse vaillante à l'émission maîtrisée, un peu raide sur les ornements. Pour sa souplesse et un timbre discrètement épicé, à Sébastien Droy va notre préférence, trop peu applaudi pour sa tendre interprétation d'Adonis. Autre ténor à nous enthousiasmer : Anders Jerker Dahlin, à la belle pâte sonore utilisée avec nuances. Enfin, regrettons la trop courte apparition d'Ingrid Perruche, Bellone à la diction irréprochable, souple autant que saine, qu'on aurait souhaité autrement distribuée. Après une ouverture à l'articulation soignée, Christophe Rousset met beaucoup de délicatesse à soutenir les chanteurs, de vivacité pour les ballets et, plus généralement, de sensualité dans la lecture qu'il signe à la tête des Talens Lyriques.

LB