Chroniques

par nicolas munck

trois concerti de Beethoven
Sinfonia Varsovia, François-Frédéric Guy

Festival de Radio France et Montpellier Languedoc-Roussillon / Corum
- 23 juillet 2015
à Montpellier, François-Frédéric Guy joue ENCORE Beethoven...
© marc ginot

Suite à l’enregistrement des cinq Concerti pour piano avec l’Orchestre Philharmonique de Radio France sous la direction de Philippe Jordan (parution chez Naïve), l’ambitieux projet Beethoven de François-Frédéric Guy se prolonge, dans le cadre de l’édition 2015 du Festival de Radio France Montpellier et Languedoc-Roussillon, par un intégrale, en live, de cet ensemble concertant. Le pianiste, qui a toujours hésité entre cette carrière et celle de chef d’orchestre [lire notre entretien], combine cette fois cette posture de double-interprète en dirigeant du clavier, comme cela était d’usage à l’époque.

Le premier volet du diptyque met en lumière le cœur du corpus avec le regroupement des deuxième, troisième et quatrième concertos. Pertinemment agencé, le programme rend audible, avec beaucoup de clarté et de façon presque didactique, les grandes lignes de l’évolution du langage beethovénien (forme, densité orchestrale, virtuosité solistique, etc.). Quand à l’interprète, la principale difficulté de cet exercice d’équilibriste consiste à parvenir à cumuler, avec naturel et tout en préservant l’intention musicale, deux gestuelles quasi antithétiques. Les indications sont toujours données avec beaucoup de clarté et de conviction et François-Frédéric Guy peut compter sur la réactivité irréprochable d’un orchestre de grande valeur.

Si nous sommes immédiatement convaincus par l’évidente richesse de la pâte sonore du Sinfonia Varsovia, nous nous trouvons toutefois quelque peu gênés par un effet d’éloignement acoustique et l’impression d’un son parfois filtré. Par convention de la direction depuis le piano, le concertiste est placé au cœur du dispositif, mais son instrument se trouve, ici, presque trop éloigné du devant de la scène et le son semble manquer de projection peut-être pour des raisons de captation radiophonique et d’implantation des micros). Ainsi, et depuis les fauteuils de l’Opéra Berlioz, nous avons souvent l’impression d’osciller, sur le plan des dynamiques, entre de sublimes pianissimi et un mezzo-forte accentué. Bien sûr ce phénomène n’empêche en aucune manière d’apprécier les qualités timbriques de la formation polonaise, avec de très beaux solosde petite harmonie, une homogénéité et une articulation parfaite des cordes. À cette couleur répondent les atouts musicaux d’un formidable interprète de ce répertoire. Depuis la sonorité presque galante du Concerto en si bémol majeur Op.18 n°2 au préromantique Concerto en sol majeur Op.58 n°4, François-Frédéric Guy apporte, par un recul et une connaissance extrêmement précise, une vision limpide de la progressive mutation du style concertant de leur auteur.

Le Concerto en ut mineur Op.37 n°3 est abordé dans une version particulièrement convaincante et donne beaucoup de limpidité à l’articulation formelle. Construite sur un développement du premier thème en ut mineur, la cadence du premier mouvement (Allegro con brio) est livrée avec beaucoup de contrôle et de retenue ; bien conduit, l’orchestre réalise parfaitement le grand crescendo de la coda. Nous sommes notamment fascinés par le Largo central où s’instaure un dialogue entre la couleur très timbrée du piano et les instruments à vents (flûte et basson).

Donné à entendre avec les cadences de Johannes Brahms, le Quatrième, capte toute l’oreille. Pertinence des phrasés, son perlé et parfaite gestion de la pédalisation trouvent un formidable aboutissement dans le sombre Andante con moto en mi mineur, aux contours presque vocaux. L’accueil du public sonne unanime. En bis de soliste, le concert se termine par le premier mouvement (Adagio Sostenuto) de la Sonate Op.27 n°2 « Mondscheinsonate », exacte contemporaine l’opus 37. Belle soirée montpelliéraine !

NM