Chroniques

par vincent guillemin

Trio Chausson
œuvres de Chaminade et Chausson

Festival Palazzetto Bru Zane / Théâtre des Bouffes du nord, Paris
- 9 juin 2013
le Trio Chausson joue Chaminade au Festival Palazzetto Bru Zane
© dr

Pour la première fois le Palazzetto Bru Zane de Venise, dont la vocation est de faire redécouvrir la musique romantique française (de 1780 à 1920), s’installe à Paris pour un week-end au Théâtre des Bouffes du Nord [lire notre Dossier]. Après les quintettes de Théodore Dubois et de Reynaldo Hahn hier, le concert du dimanche matin fait découvrir le Trio en la mineur Op.34 n°2 de Cécile Chaminade et réentendre celui, plus connu, d’Ernest Chausson.

Les Bouffes du nord permettent une grande proximité avec les instrumentistes tout en annulant les effets chambristes « bourgeois » que nous retrouverions dans une salle plus classique, et c’est une vision relativement noire qui nous est donnée aujourd’hui des trios. Cécile Chaminade écrivit son trio à une période complexe de sa vie, lorsqu’elle rompt avec le médecin Paul Landowski et perd son père. Le style brahmsien mâtiné de couleur française promet de beaux moments, comme au début du premier mouvement où le thème sautille allègrement d’un instrument à l’autre. Alternent ensuite des passages animés, transparents, et d’autres plus tristes et plus graves, le troisième et dernier mouvement (Allegro energico) retrouvant un style plus romantique. Les musiciens du Trio Chausson (qui viennent d’ailleurs de graver ce trio) donnent avec aise la pièce d’une compositrice qui mérite d‘être plus jouée, même si l’importance de son œuvre reste relative par rapport à celle d’un Debussy, d’un Ravel ou même l’opus 3 de Chausson donné en seconde partie.

Le fait d’avoir en oreille plus de référence d’écoute du Trio en sol mineur d’Ernest Chausson, composé en 1881, six années avant celui de Chaminade, confirme l’excellence des de la formation invitée et sa vision définitivement tendue des œuvres au programme. Même le troisième mouvement garde une tension et une tristesse jamais entendue par d’autre. Le son plein du violon de Philippe Talec répond superbement au violoncelle d’Antoine Landowski et au piano, malheureusement trop résonant dans cette salle, de Boris de Larochelambert.

En bis, le final Presto du Trio en sol majeur Op.1 n°2 de Ludwig van Beethoven laisse entendre avec quelle facilité les interprètes modifient leur style pour s’adapter à une partition très différente des précédentes. Le piano devient agile et rapide, le violon perd en chaleur et en tension ce qu’il gagne en dynamisme. Nous aurions certainement préféré une petite découverte française après un tel menu, mais cela nous aura au moins permis de confirmer la qualité du Trio Chausson.

VG