Chroniques

par laurent bergnach

Tourbillons
spectacle de Georges Aperghis

Agora / Ircam, Paris
- 5 juin 2005
© dr

Parallèlement à Avis de tempête, dernière œuvre en date de celui dont elle a beaucoup servi la musique [lire notre chronique du 17 novembre 2004], Donatienne Michel-Dansac reprend aujourd'hui Tourbillons, présenté tout d'abord en Province. Créé en mai 2004 dans le cadre du Festival Musique Action (Vandœuvre), ce spectacle s'appuie sur deux cycles pour voix seule, Six tourbillons (1989) et Cinq calmes plats (1992), écrits par Georges Aperghis à l'attention de Martine Viard. À ces séries de mots enchaînés qui jouent avec la répétition et la variation – récurrentes dans l'œuvre du compositeur – viennent désormais s'ajouter des phrases commandées à l'écrivain Olivier Cadiot, soit 36 prières d'insérer réparties en neuf groupes, intercalés entre les onze parties chantées comme autant de pensées monomaniaques :

« Ce sont neuf crises avec montée et dépression. Il y a d'abord une surprise, un choc le plus souvent corporel, puis une rapide prière, ensuite un souvenir, qui renvoie toujours à la même histoire d'un jardinier schizophrène qui imite les voix de ses patrons, et enfin un exercice de calme, d'élucidation ou bien une lecture. Chaque fois, les quatre sections reviennent et montent d'un cran : ça devient de pire en pire. Les regrets et les remords, les prières de plus en plus folles et les exercices de yoga mental deviennent des sermons désespérés ».

Assis durant cinquante minutes derrière une table, le personnage incarné par le soprano va somatiser, du banal mal de ventre du début – assimilable au trac de l'artiste en scène – au mal de jambes, puis à la cécité et à la surdité. En cherchant ni musicalité, ni poésie du texte, Cadiot a judicieusement évité la redondance avec le travail du compositeur. Les phrases sont prosaïques, tant les allusions au jardinage que les réflexions religieuses, qui rappellent certains aspects du théâtre d'Arrabal ou de Bernhard, avec des personnages à mi-chemin entre l'innocence et la folie.

De chaque côté de la table, les caméras et les écrans nous permettent de suivre l'évolution de la situation. Tantôt cachée ou floue, tantôt dissimulée ou en gros plan, la chanteuse-comédienne choisit le visage qu'elle souhaite nous présenter, jonglant avec les zones d'ombre et de lumière qui sont le lot de chacun. Le jardinier rêve-t-il ou revit-il le meurtre ? Ce qui est sûr, c'est que le chant s'apaise à mesure que la panique gagne le langage théâtral, et que Donatienne Michel-Dansac, à l'aise avec l'humour du texte, dans le murmure comme dans l'hystérie, nous séduit une fois de plus.

LB