Chroniques

par laurent bergnach

The little matchgirl | La petite fille aux allumettes
spectacle des Tiger Lillies

Théâtre des Abbesses, Paris
- 14 décembre 2006
The little matchgirl, spectacle des Tiger Lillies avec Laetitia Angot
© dr

Chanteur d'opéra contrarié, danseur sans lendemain, puis étudiant médiocre et peu discipliné quand s'offre à lui l'opportunité de s'instruire, Hans Christian Andersen (1805-1875) trouve sa voie autour de la trentaine en publiant des œuvres aussi variées qu'un roman fantastique, une farce ou un recueil de poèmes. En 1935, les premiers Contes voient le jour, auxquels s'ajoutent une seconde série en 1838, puis une troisième en 1845. Cette année-là, il est l'hôte choyé du duc d'Augustenborg, au château de Graasten, quand un éditeur lui envoie plusieurs gravures pour qu'il en tire des histoires. L'une d'elles, montrant une petite fille tendant un paquet d'allumettes soufrées, lui rappelle un souvenir raconté par sa mère : gamine, elle avait refusé de mendier et était restée toute la journée sous un pont, à pleurer et à dormir. Au retour, elle s'était fait gronder. « Cette scène qui frappait mon imagination d'enfant m'arrachait toujours des larmes », confiera-t-il. L'écrivain situe la scène à Copenhague, tout près de chez lui – l'angle formé par sa propre maison et la maison voisine pouvant être celui où s'éteint la petite fille aux pieds nus.

La mise en scène de Dan Jemmet évite tout réalisme, plaçant la victime dans un décor en trompe-l'œil, soit un théâtre dans le théâtre dont la toute dernière ouverture de scène atteint la taille d'une lucarne. Nourrie de danse et de textes exigeants (Pasolini, Barthes, Novarina), la comédienne Laetitia Angot offre dès l'abord un visage lisse et cireux, en accord avec une fin annoncée avec cynisme et distance – « Tu perdras la vie, tu ne passeras pas la nuit ». Son expérience du butō rend glaçantes quelques convulsions, saisies comme une révolte dérisoire avant la délivrance. Revenant sans cesse à son verre de whisky côté jardin, Bob Goody joue un grand escogriffe vieillissant et plein d'énergie qui actionne des rideaux de velours rouge usé et intervient sur scène, tour à tour père, patron ou fillette.

D'une trame des plus maigres aux références religieuses, Martyn Jacques a tiré douze chansons mélancoliques – dont le moins qu'on puisse dire est qu'elles ne sont pas entêtantes –, qui servent de commentaires et d'accompagnement sonore à un voyeurisme macabre tout en finesse. Le chanteur et accordéoniste (voix aérienne haut perchée ou, à l'inverse, rocailleuse) est entouré par un percussionniste, un contrebassiste – autres membres de son groupe, Les Tiger Lillies –, plus un trio féminin de cordes (violon, violoncelle, alto).

LB