Chroniques

par bertrand bolognesi

Terpsichore
opéra-ballet de Georg Friedrich Händel

Opéra royal, Château de Versailles
- 9 octobre 2012
Terpsichore, opéra-ballet de Händel, par Béatrice Massin à Versailles
© luc barrovecchio

Dans le cadre d’un cycle intitulé L’art de la danse proposé par le Centre de musique baroque de Versailles (CMBV), Béatrice Massin signe Terpsichore, un spectacle qui réunit quelques mouvements de symphonies chorégraphiques composées à la fin du premier tiers du XVIIIe siècle par le passionnant Jean-Féry Rebel (1666-1747) – dont on n’entend en général que Les éléments, parmi les suites, et dont Hugo Reyne ressuscitait il y a cinq ans l’Ulysse, sa seule tragédie en musique (1703) – en guise de prologue à l’opéra-ballet éponyme que Georg Friedrich Händel imagina après avoir admiré Marie Sallé (« que Sallé, grands Dieux, est ravissante », disait Voltaire) à Londres.

Fidèle au terrain qu’elle explore depuis près de vingt ans, la compagnie Fêtes galantes et sa chorégraphe ont conçu un objet à situer entre la rhétorique baroque et un vocabulaire d’aujourd’hui. Avec la complicité de Dominique Fabrègue pour les costumes, discrètement évocateurs de couleurs et textures empruntant à la peinture du XVIIIe siècle, que « restaurent », pour ainsi dire, les lumières de Rémi Nicolas, Béatrice Massin semble avoir visé l’épure par le biais d’une abstraction poussée à l’extrême de l’allégorie jusqu’à n’en laisser entrevoir que la beauté du geste, la pureté de mouvement, par-delà la musique, dans une « continuité chorégraphique » (dit-elle dans sa note d’intention) s’affirmant indépendante de la fosse – durchkomponiert, donc, que cette Terpsichore qui, à trop s’en affranchir, pourrait bien poser la question de la musique elle-même (pourquoi celle-ci plutôt que celle-là, au fond ? Le prétexte historique y suffit-il ?...).

Le sentiment de voir vivre l’un à côté de l’autre deux mondes d’abord conçus l’un avec l’autre domine la petite heure et quart d’un spectacle qui « ne prend pas » et accuse une cérébralité forcée. Des corps occupent la scène, les reflets souvent irisés de la vêture séduisent l’œil, tout cela dans un gentil moment tout de joliesse, et voilà tout.

La tonicité et le grand style des Talens Lyriques s’emploient autrement à magnifier les partitions de Rebel dans un organsin subtilement filé par Christophe Rousset, puis à révéler le phormium de l’ouvrage du Saxon qui du ballet français tire l’éclat de sa natte. Le manque d’unité de la distribution vocale entrave cependant l’exécution. À l’Apollo instable de Marianne Beate Kielland (mezzo-soprano) répond la basse assez terne de Jussi Lehtipuu et le soprano disgracieusement nasalisé de Sabina Puertolas (Erato). Saluons les brèves interventions de Paul Crémazy (ténor) dont le chant domine la soirée.

BB