Chroniques

par laurent bergnach

Talent Only Classique

MIDEM / Palais des Festivals, Cannes
- 29 et 30 janvier 2008
le jeune violoniste Diego Tosi en récital au MIDEM 2008, Cannes
© midem

Avant les soirées orchestrales à l'Auditorium Debussy [lire notre chronique des 28 et 29 janvier 2008], différents rendez-vous Talent Only Classique offrent l'opportunité de découvrir, dans l'après-midi (15h et 17h), de jeunes musiciens n'ayant souvent pas trente ans, dans des programmes qui sortent de l'ordinaire. Actif depuis 2001, le Trio Janáček se compose de sa fondatrice Markéta Janáčková (piano), d’Helena Jiríkovská (violon solo de l'Orchestre de Chambre Talich) et de Marek Novák (violoncelliste de l'Orchestre Philharmonique Tchèque).

En 1992, Alfred Schnittke (1934-1998), en proie à des attaques cérébrales récurrentes, est installé à Hambourg après plus de quarante ans de vie moscovite. Cela explique sans doute que son Trio pour piano Op.227 trouve sa substance dans une œuvre plus ancienne : le Trio à cordes Op.191 (1985), commandé par la Société Alban Berg à l'occasion du centenaire de l'illustre Viennois. Souvent dissonant et tourmenté, son mouvement Moderato s'achève sur des accords délicats, presque lyriques, au violoncelle. Dans l'Adagio qui suit, ce même instrument explore des notes éthérées, tandis qu'à l'inverse, le violon se révèle assez âpre, presque rêche. Si le trio est équilibré, livrant des arrêts joliment nets, on regrette un piano au son plutôt sec et métallique. Œuvre plus dansante s'ouvrant sur un premier thème ample, le Trio pour piano en si bémol majeur Op.21 (1875) naît durant une période heureuse (insouciance matérielle, recherches fructueuses) de son créateur, Antonín Dvořák. Délaissant quelque temps l'exploration du quatuor à cordes (il en écrirait quatorze), le compositeur tchèque mène à terme ce premier trio, du 15 avril au 15 mai, après deux essais infructueux en 1871. Effet d'acoustique ou réalité, la formation semble trop dominée par le violon.

Native de Lyon où elle rejoint la Maîtrise de l'Opéra national, Olivia Doray est actuellement pensionnaire du CNIPAL (Centre National d'Insertion Professionnel d'Artistes Lyriques), pour quelques mois encore. Si le timbre ne révèle rien d'extraordinaire, le soprano possède un chant souple et évident, ainsi qu'une diction efficace, mis au service d'un programme rare. Son art de camper les personnages séduit également, que ce soit dans Jazz dans la nuit Op.38 d'Albert Roussel, La Dame de Monte-Carlo ou Les Mamelles de Tirésias de Francis Poulenc Indéniablement, la jeune artiste sait capter l'attention, et son bis célébrant L'Amour masqué convainc, s'il en était besoin, qu'elle est un atout pour cette mélodie française qu'elle défendra encore à l'Opéra Comique, le 12 mars prochain. La pianiste finlandaise Nina Uhari mérite également des compliments : son jeu se montre très nuancé, tantôt retenu et poignant – première des quatre Chansons pour les oiseaux de Louis Beydts –, tantôt musclé, comme sur Doundou Tchil d'Olivier Messiaen, extrait (avec L'Amour de Piroutcha) du cycle Harawi, chants d'amour et de mort.

Autre duo équilibré : celui que forment Diego Tosi [photo] et Émilie Benterfa, pianiste qui ne manque pas de caractère dans des pièces aussi racées que les Trois Danses Espagnoles de Pablo de Sarasate ou saFantaisie sur « Carmen » Op.25. Né en 1981, le violoniste apprend le piano avant de se former auprès de Philippe Couvert. Quelques années d’étude, de récompenses et d'engagements plus tard, on le retrouve soliste au sein de l'Ensemble Intercontemporain, en octobre 2006. C'est donc avec une aisance qui n'enlève rien à son mérite que le musicien enchaîne le Divertimento IV de Giacinto Scelsi (1905-1988), une pièce datée de 1955, ici donnée en première mondiale, tant la difficulté en effraya plus d'un. Vocalise-Étude en forme de Habanera, Kaddish et Tzigane de Maurice Ravel terminent un programme largement virtuose, livré sur un Celeste Farotti au son charnu que l'on retrouvera prochainement sur disque.

LB