Chroniques

par vincent guillemin

Staatskapelle Dresden
Christian Thielemann dirige le Gala Wagner

Théâtre des Champs-Élysées, Paris
- 24 mai 2013
Gala Wagner par Christian Thielemann au Théâtre des Champs-Élysées (Paris)
© harald hoffmann

Deux jours après le concert de Bayreuth, cinq et six jours après ceux de Dresde (diffusés sur Arte les 22 et 26 mai), Christian Thielemann propose au Théâtre des Champs-Élysées son Wagner Gala, inaugurant dans le même temps sa première prestation parisienne en tant que directeur musical de la Staatskapelle de Dresde. Axé sur Dresde et Wagner, le programme commence par l’Ouverture de fliegende Holländer, créé dans la ville saxonne en 1843. La bonne dynamique est vite interrompue par une sonnerie d’iPhone d’environ vingt secondes, obligeant le chef à garder la pause pendant tout ce temps… certains reprochent à Christian Thielemann d’être un chef « à effet » : ils ne pourront dire que celui-ci soit voulu, encore moins qu’il est écrit dans la partition.

La rare Faust Ouvertüre de 1840, qui devait augurerune Faust Sinfonie jamais écrite, fut enregistrée en DVD par le chef avec la formation dresdoise ; elle montre une belle pièce d’orchestre dans la technique de composition de Rienzi, mais encore en-deçà des œuvres du grand Wagner. Là encore, la Staatskapelle joue avec une belle dynamique d’où se démarquent de superbes cordes, mais les bois manquent parfois de justesse et les cuivres sont franchement imparfaits. Problématiques dans le Parsifal de Salzbourg à Pâques, ils étaient excusables après neuf jours de festival sans interruption ; ils montrent ici les mêmes faiblesses dans les attaques et des problèmes de justesse.

Créé à Dresde en 1842, Rienzi permet d’entendre le ténor Johan Botha dans l’air le plus célèbre de l’ouvrage. Très chaleureuse, la première phrase est vite annulée par la suivante, plus faible, et annonce une aria sous surveillance alternant bons et moins bons. C’est pourtant dans cet extrait puis dans l’Ouverture qu’orchestre et chef ont le plus à faire découvrir. Loin d’un pompiérisme souvent de mise dans cette œuvre, Thielemann cisèle finement une partition mal connue qui promet de beaux moments à Bayreuth en juillet.

Le Prélude de Lohengrin ouvre la seconde partie avec moins de magie et déçoit par rapport à celui entendu par les mêmes en janvier à la Semperoper. Thielemann montre qu’il connaît la partition et retient sans cesse son instrument, ralentissant parfois sans raison et allongeant les pauses pour donner plus d’impact aux reprises. Voilà qui peut-être semblera beau à qui entend cette page pour la première fois… mais ici, quel est l’intérêt ? Si le chef veut démontrer qu’il sait diriger, nous l’avions compris. N’oublions pas qu’il fait partie des favoris pour diriger les Berliner Philharmoniker après Rattle, qu’il joue à Bayreuth et Salzbourg tous les ans et qu’un second enregistrement du Ring sort bientôt chez Deutsche Grammophon… Dès lors, pourquoi livrer tant d’effet et éliminer tant de fluidité, au détriment de tout lyrisme ? Botha ne relève pas le niveau dans In fernem Land.

Fraternité de Hans Werner Henze surprend au milieu de ce menu Wagner. La vision de Thielemann est particulièrement intéressante, car classique et très lyrique. Il n’y faut pas chercher une interprétation façon Boulez ou Metzmacher, mais une continuité entre la musique allemande du XIXe et celle du XXe. C’est beau, et comme le chef le disait lors de la répétition salzbourgeoise du 31 mars : « en plus, pour ceux qui n’aimeraient pas, c’est court ! ».

Tannhäuser conclut le gala, et si Botha est plus en voix, c’est le chef qui déçoit particulièrement : il use de ce pompiérisme évité dans Rienzi, et sa dynamique ne fait pas oublier qu’on ne joue pas Wagner comme Verdi. Vraiment vulgaire, l’Ouverture de Tannhäuser ne sera pas oubliée avec le bis – Prélude de l’Acte III de Lohengrin – qui clôt une soirée triomphale pour le public ovationnant chef et ténor, mais laisse dubitatif wagnériens, passionnés et critiques.

VG