Chroniques

par irma foletti

Solistes, Chœur et Orchestre du Théâtre Bolchoï, Tugan Sokhiev
Piotr Tchaïkovski | Eugène Onéguine (opéra en version de concert)

Festival d’Aix-en-Provence / Grand Théâtre de Provence
- 19 juillet 2017
Tugan Sokhiev joue Eugène Onéguine en concert, à Aix-en-Provence
© vincent beaume

Les forces du Bolchoï au complet, solistes, chœur et orchestre, remportent un succès considérable à l’issue de l’exécution d’Eugène Onéguine, opéra donné en version de concert lors d’une unique soirée au Festival d’Aix-en-Provence. Devant une salle comble, le grand triomphateur de la soirée est le chef Tugan Sokhiev qui, au delà de ses responsabilités assumées depuis douze ans au Capitole de Toulouse, cumule depuis 2014 le poste de directeur musical et principal chef d’orchestre du Théâtre Bolchoï de Moscou.

Délicates, lentes, presque amoureuses, les premières mesures donnent la dimension de la soirée. On peut trouver ici et là de petites imperfections chez certains instrumentistes ou pupitres, comme des cuivres pris un peu à froid en début de concert, mais qui parviennent à briller très rapidement, ou bien les violoncelles moins homogènes que les violons. Il n’en reste pas moins que le discours musical est passionnant de bout en bout, avec des cordes de très grande ampleur et quelques attaques mémorables. On se régalerait presque de ne pas avoir de mise en scène, surtout que les solistes, sans besoin non plus de mise en espace, sont concernés, concentrés et chantent sans partition.

Beau physique, joli timbre, jeunesse… les titulaires de Tatiana et Olga, respectivement Anna Nechaeva et Evguenia Asanova, ont tout pour plaire ! La première n’a sans doute pas les moyens d’une Anna Netrebko (encore que cette dernière ait un peu dépassé l’âge du rôle), avec des aigus affirmés qui ne partent pas comme des flèches et un registre grave plus obscur, mais elle vit pleinement son personnage et dégage une émotion certaine. On croit d’ailleurs plus à son personnage de jeune fille amoureuse et naïve qu’à celui de princesse au dernier acte, malgré son changement de robe et les plus riches bijoux. Sans puissance excessive, Olga fait entendre une voix homogène de belle couleur, sans paraître poitriner ses graves dans l’air d’entrée.

On préfère ensuite Irina Roubtsova (Madame Larina) à Svetlana Shilova (Filippievna), deux chanteuses qui disposent d’un volume naturel plus important, instruments accompagnés d’un certain vibrato mais sans outrance. Côté masculin, on remarque d’emblée le merveilleux ténor Bogdan Volkov (Lenski), voix concentrée à l’aigu épanoui et qui sait aussi alléger jusqu’à des nuances pianissimo, émises dans un souffle. Dans le rôle-titre, le baryton Igor Golovatenko se montre élégant et très vaillant dans la partie centrale et aigue, mais beaucoup moins confortable dans le registre grave. À côté d’un Monsieur Triquet, le ténor de caractère Stanislav Mostovoy qui chante ses couplets en russe, Ain Anger en Prince Grémine est tout de même le petit maillon faible de l’équipe, vraie basse profonde, mais caverneuse et très monolithique, sans grande séduction.

Et le meilleur pour la fin : le Chœur du Bolchoï venu en nombre (soixante choristes !), exceptionnel de densité et de précision dans cet ouvrage qui fait partie de son ADN. Depuis la première intervention a cappella et mezza voce – où, en fermant les yeux, on pourrait se croire dans l’ambiance encensée d’une église orthodoxe –, jusqu’aux interventions plus brillantes de la fête chez les Larina ou lorsque Grémine reçoit, les oreilles se régalent. Standing ovation au final pour ce concert, également au programme du festival finlandais de Savonlinna (Savonlinnan oopperajuhlat, le 26 juillet).

IF