Chroniques

par gilles charlassier

soirée de clôture de l’édition 2019
Deuxième Concerto de Brahms par Nelson Freire

Jean-Claude Casadesus dirige l’Orchestre national de Lille
Lille Piano(s) Festival / Le Nouveau Siècle, Lille
- 16 juin 2019
Deuxième Concerto de Brahms par Nelson Freire, à Lille Piano(s) Festival
© ugo ponte | onl

Comme c’est l'usage, sinon la tradition, le Lille Piano(s) Festival se referme par un programme concertant sous la baguette du fondateur Jean-Claude Casadesus. Dirigeant son Orchestre national de Lille, dont il a certes passé les rênes à Alexandre Bloch en 2016 mais avec lequel il garde un évident lien affectif, le chef français accompagne Nelson Freire dans le Concerto pour piano en si bémol majeur Op.83 n°2 de Johannes Brahms.

Dès les premières notes de l'Allegro non troppo se reconnaît le toucher sensible et chaleureux du soliste brésilien. Si le développement du discours ne manque pas d'accès de passion, ceux-ci, comme gantés de velours, ne versent jamais dans la brutalité, contrastant parfois avec la relative sécheresse de la réponse orchestrale. Plus large de sonorité, l'Allegro appassionato fusionne mieux les deux tempéraments qui se mêlent dans une ferveur émulatrice, sans gratuité. L'intensité de l'expression se confirme dans unAndante délicat et frémissant d'onirisme, où s'épanouit une belle liberté de conduite de la ligne mélodique, qui n'oublie pas pour autant le sens de la richesse harmonique sous les feux en demi-teinte, presque intimistes, des pupitres de l'orchestre. Le final, Allegretto grazioso, affirme un entrain généreux, aéré (sinon aérien), sans se départir d'un sentiment authentique, dénué de tout apprêt. L'instinct de la forme et de l'arche dramatique se révèle jusque dans ce rondo allègre, à la joie détachée, mais non désinvolte.

Ce Brahms frappé du sceau de la sincérité marque la fin du mandat de Jean-Claude Casadesus à la tête du festival qu'il a fondé en 2004. Loin de l'allocution enjouée de la quinzième édition, les quelques mots qu'il distille à l'issue du concert disent autant la gratitude qu'une pointe de mélancolie pudique. S'il a désormais l'âge où l'on passe le relais, le chef, issu d'une lignée qui a servi les muses jusqu'au dernier souffle, n'entend pas pour autant se retirer de la vie artistique, poursuivant son histoire d'amour avec le public. On peut néanmoins esquisser un bilan de ces quinze années de festival de piano, qui s'adosse à un travail en profondeur sur l'aménagement du territoire par la culture, avec l'Orchestre national de Lille. Les paris de la curiosité et de l'excellence ont été largement tenus, et, sous sa diversité de lieux et de formats, investissant jusqu'à l'Abbaye de Vaucelles, dans le Cambrésis, la manifestation lilloise peut désormais compter parmi les rendez-vous majeurs pour les amateurs de clavier, avec une tarification très accessible (sans oublier les concerts gratuits), qui ne transigent pas davantage sur l'exigence musicale. Un bel exemple d'élitisme pour tous.

GC