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Chroniques
Simon-Pierre Bestion dirige La Tempête
Op.37 et Op.41 de Sergueï Rachmaninov
Comme indiqué dans la brochure de salle, la compagnie vocale et instrumentale La Tempête, fondée par Simon-Pierre Bestion en 2015, bâtit ses projets « autour de l’idée d’une immersion sensorielle du spectateur, de la recherche d’un moment propre à chaque rencontre entre un lieu, des artistes et un public ». Il faut reconnaître que le public du festival Concerts d’automne assiste davantage qu’à un concert, mais à un spectacle, voire une cérémonie qu’il gardera longtemps en mémoire. Pas d’instruments ce soir, uniquement des choristes et solistes dans un programme exclusivement a cappella, composé d’œuvres de Sergueï Rachmaninov. Les vigiles nocturnes Op.37 (Les Vêpres) forment le morceau de choix de la soirée, enchaînant, sans pause et dans une continuité naturelle, avec des extraits de la Liturgie de Saint Jean Chrysostome Op.41 puis avec l’Hymne à la liturgie grecque orthodoxe byzantine, pour une durée totale d’une heure et demie environ.
Lorsqu’on entre dans l’église Saint-Julien, l’encens brûle déjà au centre d’un vaste podium rectangulaire, autour duquel s’asseyent les spectateurs. La pénombre installée, les voix se font entendre avec les choristes masculins qui entrent en file indienne, leur partition sur un pupitre portatif éclairé par une petite lumière. Ils se positionnent autour du podium, rejoints par les femmes en provenant du côté de l’autel. Leur situation variera au cours du concert, parfois en plusieurs groupes séparés en diverses extrémités du bâtiment, à d’autres moments le chant est émis en marchant, plus rarement l’ensemble se retrouve sur le podium, soit tourné vers l’intérieur, soit s’exprimant vers le public.
En tout cas, chaque paire d’oreilles est servie à égalité au cours de la soirée, avec de nombreuses surprises révélées par ces divers dispositifs acoustiques, sans jamais souffrir d’un éventuel déficit de puissance, l’ensemble de l’assistance observant un silence respectueux, sinon religieux. Le chef Simon-Pierre Bestion assure une formidable coordination à trois cent soixante degrés, chantant lui-même avec ses collègues. L’ensemble sonne magnifiquement, avec de beaux mélanges de registres, même si les graves profonds des basses sont les plus sollicités par ces partitions.
Le soliste du chant byzantin, Adrian Sirbu, assure la plupart des parties pour voix seule, avec également le ténor Edouard Monjanel, placé en hauteur entre les tuyaux de l’orgue, qui prend à sa charge une courte séquence. Adrian Sirbu possède un timbre de qualité et des réserves de puissance, mais c’est surtout sa technique vocale particulière, traditionnellement utilisée dans l’église orthodoxe, qui produit de remarquables effets, entre psalmodie, ornementations subtiles et attaques de notes par le dessous. Les échanges entre soliste et chœur sont à peu près permanents, donnant encore plus de vie à cette musique. Des passages à bouche fermée ont d’étonnantes sonorités qui évoquent un orgue. Tous les intervenants sont habillés de noir, mais le soliste principal a l’allure d’un pope dans sa longue robe noire au col blanc. Réglées par Marianne Pelcerf, les lumières changeantes s’éteignent complètement à la fin du programme. Le public applaudit debout et se voit offrir deux rappels, avant de repartir certainement un peu transformé par cette soirée.
IF