Chroniques

par gilles charlassier

Sigismond von Neukomm | Die Auferstehung
Laetitia Grimaldi-Spitzer, Antoine Bélanger et Marc Boucher

La Grande Écurie et La Chambre du Roy, Leonardo García Alarcón
Atelier Lyrique de Tourcoing / Théâtre Municipal Raymond Devos
- 11 janvier 2019
L'Atelier Lyrique de Tourcoing joue Die Auferstehung", oratorio de Neukomm
© atelier lyrique de tourcoing

Fondé par Jean-Claude Malgoire en 1981, l'Atelier Lyrique de Tourcoing poursuit l'aventure du chef d'orchestre disparu l’an passé, une semaine après le doublé Voix humaine [voir notre chronique du 8 avril 2018]. C'est avec un compositeur cher au musicien français, Sigismond von Neukomm (1778-1858), que s'ouvre l'année 2019. Parmi les partitions que Malgoire avait exhumées, et qu'il n'hésita pas à enregistrer, figure un oratorio, Die Auferstehung (La Résurrection). L'œuvre était déjà inscrite au programme de la saison à venir au printemps dernier : il fallut trouver une baguette pour prendre le relais et donner vie à cette redécouverte, coproduite avec le Festival Classica de Saint-Lambert, au Québec.

Fidèle à sa conception vivante de l'exploration musicologique, évitant toute momification muséale, Leonardo García Alarcón ne se contente pas de diriger le matériel retrouvé, qui comportait des lacunes au regard des pratiques orchestrales de l'époque, reconstituées à partir du modèle assumé de la pièce, Die Schöpfung d’Haydn. Si la trame du livret rappelle l'homonyme Resurrezione d’Händel, la facture générale répond aux canons archétypaux du classicisme viennois. Alternant ensembles choraux et numéros solistes, l'ouvrage sait néanmoins pallier la décantation dramaturgique par un sens de la caractérisation des épisodes. L'unisson des chœurs de louange ne verse pas dans le monolithisme massif, ni une réverbération trop solennelle que l'acoustique n'autorise pas. Le n°5, l'aria pour soprano Fürchtet euch nicht!, affirme un tendresse irradiante que Laetitia Grimaldi-Spitzer déploie avec une douceur nourrie de sensibilité. La séquence confiée à la basse qui lui succède (n°6, récitatif et air) contraste par une nervosité Sturm und Drang très picturale, dont le baryton Marc Boucher fait palpiter la vitalité quasi théâtrale.

Un peu moins sollicité que la tessiture grave – qui se trouve sur le devant de la scène à trois reprises –, le ténor se voit confier le réconfort du Ressuscité (n°8), calibré avec soin et style par Antoine Bélanger qui conjugue éclat et ligne, avec un soupçon de vaillance dépassant peut-être la nomenclature mozartienne. Amorcé par le soprano, le finale fait répondre à un chœur majestueux (Alles macht ist sein Arm) un terzetto non dénué de discrètes subtilités instrumentales que Mozart n'aurait pas reniées, avant une vaste péroraison qui étage la progression liturgique par une transsubstantiation tonale au sein même de la modalité majeure – l'un des meilleurs moments de l'opus. Attentive à un équilibre dynamique entre alchimies de timbres et rhétorique, la direction éclaire les ressources expressives d'une écriture économe en tensions harmoniques et resitue avec tact le génie de la pièce, accomplissant, sans servilité, la réparation, voulue par Jean-Claude Malgoire, d'une des nombreuses négligences de la postérité.

En première partie de soirée, La Grande Écurie et la Chambre du Roy rend justice à la concision de la Messe solennelle en ut majeur K.317 de Mozart. Le geste alerte du chef argentin accompagne la fluidité d'inspiration du maître autrichien, sans jamais obérer la lisibilité du chant. Préparé par Thibaut Lenaerts, le Chœur de Chambre de Namur se révèle d'une clarté exemplaire dans le Gloria, avec une précision de l'articulation qui épouse l'alacrité déliée de la partition. Le Credo ne manque pas de limpidité, avec un accent plus marqué sur les couleurs expressives. Le Sanctus et le Benedictus prolongent une luminosité irradiante que ne dément pas l'Agnus Dei. Outre les trois solistes du Neukomm, Pauline Sabatier se glisse avec pertinence dans une lecture où la générosité spontanée s'appuie sur un évident sens de la forme.

GC