Chroniques

par bertrand bolognesi

Sextuor des Berliner Philharmoniker
œuvres de Borodine, Glière, Rimski-Korsakov et Tchaïkovski

Auditorium du Musée d'Orsay, Paris
- 18 octobre 2005
Nikolaï Rimski-Korsakov, à l'honneur de ce concert chambriste
© dr

Depuis un mois, le Musée d'Orsay expose L'Art russe dans la seconde moitié du XIXe siècle, présentant au public parisien l'occasion d'approfondir son approche d'une peinture passionnante, mais aussi de découvrir l'activité importante des photographes d'alors. Tout naturellement, l'événement est accompagné par la projection de nombreux films (du 18 novembre au 18 décembre) et par une Saison russe de concerts à l'Auditorium.

Du Sextuor à cordes d’Alexandre Borodine, on n'a retrouvé que deux mouvements. Les musiciens berlinois donnent à l'Allegro un départ flamboyant, dans une sonorité généreuse, réservant une tendresse plus délicate à la déclinaison suivante, dans une mobilité bienvenue du tempo. Bien qu'à la grande fraîcheur de cette page répond une gracieuse articulation, des soucis de justesse commencent à poindre. L'Andante est pris dans une sonorité plus frêle, renvoyant potentiellement à la musique populaire, non sans une certaine élégance.

C'est par une plénitude virevoltante que les instrumentistes font honneur aux premières mesures de l'Allegro vivace du Sextuor en la majeur de Nikolaï Rimski-Korsakov [photo]. En revanche, dans la suite du mouvement, le jeu est d'une ingrate raideur ; il semble qu'on puisse y danser plus. Il reste difficile de trouver un équilibre dans le sextuor, tant pour les interprètes que pour les compositeurs ; ce soir, les uns et les autres ne convainquent guère. Une certaine rugosité caractérise le Rondo fugato, venant comme mordre la corde. Malheureusement, au legatissimo remarquable de ses entrelacs s'oppose une réalisation trop approximative. Indéniablement, la formation bénéficie de forces comme de faiblesses : ainsi la précision et l'élégance de jeux de Martin Ostertag et Ori Kam, premier violoncelle (poignante introduction de l'Andante) et deuxième alto (pas de véritables coups d'éclat, mais une stature égale à elle-même et endurante), se trouvent-elles malencontreusement contrepointées par la maladresse et l'inexactitude de Wilfried Strehle et Rainer Kussmaul, premier alto et premier violon, ce dernier poussant jusqu'à la disgrâce l'expressivité du début du Scherzo. Pour finir, un manque évident de relief grève l'Allegro molto qu'un tempo plus rapide servirait mieux. Cette première partie déçoit.

Avec la musique de Reinhold Glière, abordons d'autres temps du parcours russe. On est assurément dans la génération des Rachmaninov, Medtner, etc. Écrit en 1904, le Sextuor Op.7 n°2 débute par les échanges entre une mélopée « triste à faire pleurer les pierres », comme dirait Golaud, et une canzonetta à caractère faussement populaire, d'un Andante romantique, héritier de Tchaïkovski. Les artistes en accusent plus franchement les contrastes, tout en révélant par endroit un phrasé précieux, pour une expressivité mieux maîtrisée. Dans le second Andante, plus cantabile, où l'on décèle des réminiscences du Souvenir de Florence et d'Eugène Onéguine, les longs et redoutables pianissimi sont superbement réalisés. Pour l'exécution de cette œuvre, le choix de sonorité s'avère plus orchestrale. Regrettons que le Vivace (troisième mouvement) soit ici tout juste un Allegro molto dont la lenteur annule toute l'effervescence qui ne se laisse plus qu'à peine deviner. C'est dans une pâte puissante au lyrisme exacerbé que le Sextuor de la Philharmonie de Berlin donne le Finale, ne manquant pas de caresser d'une exquise douceur la transition centrale avant la relance fuguée du nouveau développement.

BB