Chroniques

par bertrand bolognesi

San Giovanni Battista, oratorio d’Alessandro Stradella
Lawrence Zazzo, Arianna Vendittelli, Luigi De Donato, Emilie Renard,

Fernando Guimarães, Academia Montis Regalis, Alessandro De Marchi
Innsbrucker Festwochen der Alten Musik / Dom St. Jakob
- 18 août 2017
à la Cathédrale d'Innsbruck, Alessandro De Marchi joue Stradella
© anna perktold

Au Tyrol, août est le mois du répertoire baroque, que célèbre chaque année l’Innsbrucker Festwochen der Alten Musik, actuellement dirigé par Alessandro De Marchi. C’est précisément le chef italien qui mène cette soirée à la cathédrale Saint-Jacques, avec son ensemble Academia Montis Regalis qui convoque cinq solistes vocaux pour un oratorio d’Alessandro Stradella, San Giovanni Battista, créé à Rome en 1675. Si l’amour est le thème de la présente édition, il s’y trouve diversement illustré à travers les ouvrages de Keiser (Octavia), Monteverdi (Il ritorno d’Ulisse in patria) et Rameau (Pygmalion). Ainsi se penche-t-on aujourd’hui sur la faiblesse du roi Hérode pour la jeune Salomé dont le caprice exige la décollation du Baptiste. Un tel sujet invite une verve dramatique plus proche de l’opéra que de la sage histoire sacrée. Alessandro De Marchi en articule la trame théâtrale par des apports puisés chez d’autres compositeurs du temps, comme Lelio Colista (1629-1680) et Carlo Ambrogio Lonati (1645-1710), avec des mouvements extraits de Sinfonie qui ouvrent ou ponctuent le discours.

Ainsi l’action commence-t-elle par un récit du continuo, signé Colista, où le violon chante généreusement. Le tutti des cordes s’affirme brillant pour l’arrivée de la Sinfonia de Stradella, comme une deuxième entrée, magnifiée par un travail fin et risqué de la dynamique, avec ses surprenantes extinctions qu’on doit à une maestria louable des musiciens. En Saint Jean Baptiste, le contre-ténor Lawrence Zazzo semble plus à l’aise dans les récitatifs, de saine impédance, que dans les airs qui accusent, pour commencer, quelque manque d’éclat. Les commentaires sont confiés à un chœur assumé par les solistes (une voix par partie), réalisant une prestation idéalement équilibrée. On retrouve avec grand plaisir le mezzo-soprano Emilie Renard, applaudi cet hiver [lire notre chronique du 21 janvier 2017], qui met au service de la sensuelle Erodiade un phrasé facile, un timbre chaud, une inflexion féline à la séduisante couleur. À quiconque trouverait qu’elle en fait un peu trop, il faudra rappeler la nature opératique de l’ouvrage et le contenu du livret. D’abord un rien incertain dans une partie fort ornementale, le ténor Fernando Guimarães paraît presque effacé en Consigliero, mais il retrouve son assurance dans les interventions suivantes, avec une présence attachante.

Salué ici-même l’an dernier [lire notre chronique du 21 août 2016], le jeune soprano Arianna Vendittelli fait débuter sa Salome dans une ligne un peu lâche, quasiment exsangue. Mais dès l’arrivée d’une première et preste aria d’agilité, elle se révèle pleinement, comme si l’impossibilité de penser son chant et de se jeter à l’eau, pour ainsi dire, lui convenait mieux que les atermoiements permis par un passage tranquille. L’air Alto Signor montre une superbe irrésistible. Dans la seconde partie, on regrette cependant la confusion entre nuancer et détimbrer qui laisse perdre le grain de cette belle voix.

L’autorité naturelle de la basse Luigi De Donato, doublée d’une conduite précise de la ligne et d’un impact malléable, confère à Erode une présence impérative. À la fois puissant et doux, ce roi bénéficie d’une voix longue et d’un grand souffle, à l’œuvre dans une noble expressivité – comme lorsqu’il implore cette trop séduisante et cruelle folle d’épargner le saint homme. Après un ultime duo, la ritournelle allegro d’une Sinfonia de Colista vient conclure la légende, comme si de rien n’était.

BB