Chroniques

par marc develey

S. Saketharaman (chant carnatique),
Vittal Ramamoorthy (violon) et Neyvelin Narayanan (mridangam)

Théâtre des Abbesses, Paris
- 24 mars 2012

Jeune musicien (né en 1982), S. Saketharaman impose déjà sur scène une présence qui laisse augurer de l’ascendant à venir d’un nom du chant carnatique. Une première composition permet à la voix de se chauffer, dans un âdi tâla (cycle rythmique à huit temps) marqué sur les seuls thâlî (temps forts), frappés du plat de la main sur la cuisse avec une étrange autorité. Sur un texte tamoul, les cinq degrés du râga Mohanam installent ce premier moment dans une atmosphère joyeuse, portée par les grandes envolées d’une voix souvent de velours et d’une belle réserve dans sa dynamique. Le violon de Vittal Ramamoorthy y apporte un contrepoint élégant, que ce soit dans les imitations de l’accompagnement ou dans un solo d’une enthousiasmante sobriété.

En âdî tâla toujours, le chanteur se lance alors dans une composition de Tyâgarâja, poète, chanteur et mystique tamoul du tournant du XVIIIe siècle. Le râga Bindumalini – un râga peu usité et complexe, qui rappellerait une gamme mineure « orientalisée » – nous était rapidement présenté mezzo piano, avant de laisser place à une composition traversée d’explosions d’énergie et de traits virtuoses très réjouissants, en particulier au violon. Dans un tâla à cinq battements, une forme d’interlude haletant nous emmène rouler dans des explosions descendantes, abruptement arrêtées.

La composition principale du concert est délivrée dans le râga Kalyani, souvent joué dans les mariages. Sur un cycle à sept temps, elle confirme la présence du chanteur, d’une vibrante intensité dans les mouvements rapides, ainsi que la maîtrise incontestable du violoniste. Mais si le solo de ce dernier enchante, la présence en retrait du mridangam, dans le temps qui lui est offert, nous déçoit cependant.

En conclusion, une berceuse dédiée à Krishna Yadhava (ou possiblement Madhava), nous délivre en âdi tâlâ, dans un approprié râgâ Nilambari, usuel pour ce genre de musique, les souvenirs de soirs empesés de chaleur et de l’accalmie du jour. Un Tillana, pièce rythmique où des syllabes conventionnelles remplacent le poème associé dans d’autres compositions, referme dans une grande virtuosité ce sympathique moment.

MD