Chroniques

par laurent bergnach

Sémélé
tragédie lyrique de Marin Marais

Opéra national de Montpellier / Comédie
- 30 janvier 2007
Sémélé, tragédie lyrique de Marin Marais à l'Opéra national de Montpellier
© marc ginot | opéra national de montpellier

L’année passée, la célébration de la naissance de Marin Marais (1656-1738), voilà trois siècles et demi, passa inaperçue au plus grand nombre, tant Mozart et Chostakovitch se partageaient l’affiche des commémorations. Pourtant, la recréation en première mondiale de sa dernière tragédie lyrique était plus apte à éveiller l’intérêt qu’une énième version de Così...

Achevé d’imprimer le 15 février 1709, créé à l’Académie Royale de Musique le 9 avril suivant, Sémélé fut redécouvert successivement aux festivals de Beaune et de Montpellier, puis à Paris, dans le cadre des Grandes Journées Marin Marais organisées par le Centre de Musique Baroque de Versailles. D’un ouvrage bâti sur un livret d’Antoine Houdar de la Motte, inspiré d’un épisode des Métamorphoses d’Ovide, la partition réduite a été soumise à une restauration de Gérard Geay. En effet, seules les parties principales de l’œuvre nous sont parvenues – qui permettaient son exécution de chambre. Une longue familiarité avec les ouvrages antérieurs – Alcide (1693), Ariane et Bacchus (1696) et Alcyone (1706) – permit au chercheur de mener à terme son projet, de même qu’une connaissance approfondie du traitement des voix, des instruments et des techniques compositionnelles de l’époque. Hervé Niquet et le Concert Spirituel réinvestissent avec nuance la partition qu’ils connaissent bien, cette fois mise en scène.

Venu à cette première réalisation pour l’opéra après plusieurs expériences de mises en espace, que nous propose Olivier Simmonet ? Tout d’abord, les projections, sur toute la hauteur du cadre de scène, d’un Jupiter doré et d’une Junon argentée feront paraître bien petits les humains et leur destin au moment où le rideau s’ouvre. Pourtant, le visage de ces deux-là réapparaît régulièrement, bienveillant ou colérique, montrant tout ce qu’ils ont de commun avec nous. Autre parallèle, le rejet de l’amour de Mercure par la servante – « Mon cœur n’aspiroit pas à de si nobles soins / Trop d’inégalité me gesne » – tandis que la maîtresse, de plus en plus coquette, succombe à l’hybris en réclamant la preuve de trop. Dirigés de façon peu convaincante, les artistes peinent à émouvoir, tandis que le décor blanchâtre hésite entre l’épure (disque suspendu en fond de scène, frondaisons évoquées à l’aide de cordes) et un fatras cubiste de murs et de meubles. Les riches costumes de Giusi Giustino suffisaient bien aux personnages.

La déception est aussi au rendez-vous de la distribution vocale.
Outre les soucis de diction bien excusables des non-francophones, on trouvera pesante la première partie de soirée, durant laquelle les interprètes peinent à trouver leurs marques. Cadmus au timbre d’abord éraillé, Marc Labonette se révèle puissant et musclé, tandis que Bénédicte Tauran est une Dorine assez instable et aigrelette qui gagne en assurance au fil du spectacle. Avec un timbre viril, Lisandro Abadie compose un Mercure charismatique mais manquant de legato et de fermeté dans l’aigu. Offrant son physique avantageux au personnage d’Adraste, Anders Jerker Dahlin insupporte par une émission assez laborieuse. À la Sémélé de Shannon Mercer qui manque d’impact et dont les notes sont parfois crues, on préfèrera le Jupiter de Thomas Dolié, baryton fiable au chant souple, et plus encore la Junon d’Hjördis Thébault dont les phrasés généreux sont tendrement menés. Saluons, enfin, l’expressivité chatoyante du Chœur du Concert Spirituel qui permet de ne pas se désintéresser de la production.

LB