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Chroniques
récital Wolfgang Amadeus Mozart
Académie de chant du Festival d’Aix-en-Provence
Les jeunes artistes de la résidence de chant 2019 de l’Académie du Festival d’Aix-en-Provence, qui ont pu bénéficier, depuis le 17 juin, des conseils avisés de leur professeure Edith Wiens [photo], convient le public à un concert de clôture dans l’Auditorium André Campra du Conservatoire Darius Milhaud. Le programme est consacré à Mozart, exclusivement. Un accompagnement de luxe est mis à leur disposition : l’ensemble Pygmalion, sous la baguette de leur chef et fondateur Raphaël Pichon. Dès l’Ouverture du Schauspieldirektor, on entend que la formation a été très bien préparée pour l’occasion, impeccable techniquement, avec de beaux bois ronds, des cordes à l’unisson, dans l’acoustique flatteuse de la salle des concerts du conservatoire.
On enchaîne avec Alla bella Despinetta, le sextuor de Così fan tutte où les deux vrais-faux Albanais s’agenouillent devant les deux fiancées, suivi de l’extrait de La finta giardiniera, Con un vezzo all’italiana qu’interprète le baryton Yuriy Hadzetskyy d’une voix ferme, mais d’un style manquant sans doute d’un peu de legato. Suit Ah perdona al primo affetto, duo de La clemenza di Tito réunissant l’Annio de Brenda Poupard, joli timbre quoiqu’un peu mince, et le magnifique soprano Marie Perbost en Servilia, instrument de grande ampleur au bagage technique fort sûr, confirmé dans l’air de concert Alma grande e nobil core. Le mezzo enchaîne avec Cherubino des Nozze di Figaro, Voi che sapete manquant aussi certainement d’un peu de fièvre et d’urgence, malgré le tempo nettement accéléré par le chef.
Petit passage par la langue allemande, Dies Bildnis chanté par le ténor Eric Ferring est une révélation : style élégant, longueur de souffle, épaisseur de l’instrument, bons choix des nuances ; son Tamino est d’ores et déjà prêt à passer dans la plupart des théâtres ! Autre grand moment de la soirée (pas exactement une révélation, car nous avions déjà entendu ce mezzo), Adèle Charvet enchante en Sesto de La clemenza di Tito avec l’air Parto, parto, ma tu ben mio. La pulpe vocale est d’une séduction immédiate, l’artiste sait projeter puissamment quelques notes, les graves sont bien exprimés et l’agilité est en place. L’accompagnement orchestral est aussi d’un raffinement exquis, une première section d’une lenteur extrême avec quelques instants suspendus dans un silence absolu, puis un vrai dialogue avec la clarinette basse venue jouer en avant-scène, par exemple lorsque l’instrumentiste tourne le dos à la chanteuse qui prononce « guardami ». Adèle Charvet reste en place pour le rarissime duo Per queste tue mani entre Zerlina et Leporello, tiré de Don Giovanni. Le baryton-basse Alex Rosen y fait entendre une voix bien timbrée, également dans l’air de concert Così dunque tradisci, aux graves toutefois moins confortables.
Autre soprano, Julie Roset chante l’air de concert Voi avete un cor fedele avec charme, abattage pour les passages virtuoses, une voix fruitée aux notes piquées précises, correspondant idéalement à des personnages comme Zerlina ou Blondchen. Elle défend justement ce dernier rôle au cours du duo Ich geh’ so rate ich dir, donnant la réplique à l’Osmin de Nicolai Elsberg, annoncé souffrant – basse aux graves caverneux, mais à l’émission pas toujours homogène sur l’étendue de la tessiture. Dans l’air de concert Per pietà non ricercate, le ténor Charles Sy fait entendre un timbre plus rond, plus méditerranéen que celui de son collègue, mais aussi moins volumineux. Il donne davantage d’élégance et de longueur de souffle en Idamante dans le duo Spiegarti non poss’io (Idomeneo), rejoint par l’Ilia de Marie Perbost.
Le final des Nozze di Figaro met à nouveau en évidence le niveau élevé de cette Académie de chant, passage magnifique vocalement et musicalement, mais aussi joué avec fluidité et naturel. Ce soir, aucun soliste ne démérite, et nous pouvons déjà parier – un pari personnel – sur l’avenir radieux de trois d’entre eux : Marie Perbost,Adèle Charvet et Eric Ferring.
IF