Chroniques

par bertrand bolognesi

récital Kirill Gerstein

Théâtre du Châtelet, Paris
- 7 février 2003

Du plafond du foyer du Châtelet, il pleut des pianistes russes, cette année !
Et pas des moindres, semble-t-il. Nous écoutions lundi la jeune Elena Rozanova [lire notre chronique] et aujourd’hui c’est Kirill Gerstein qui ouvre son récital des midis musicaux avec l’Opus 10 n°1 dans une lecture assez justement mozartienne pour cette sonate du premier Beethoven encore soucieux de plaire. Kirill Gerstein joue vivement, en jeune homme brillant et un peu vert ; le son demande à s’assouplir. Peut-être est-ce une constante de cette génération d’artistes russes, mais lui aussi sert la partition sans chichis ; c’est un plaisir. La musique, rien qu’elle… En revanche, si les aigus du piano lui jouent des farces, il en dompte parfaitement la pédale récalcitrante, deux handicapes d’un instrument que nous évoquons souvent sur cette toile. Fort maris, nous devons cependant constater de nombreux dérapages et glissades lors du premier mouvement.

Le pianiste propose ensuite un voyage dans les divers recueils de Klavierstücke de Johannes Brahms, compositeur lui convenant à merveille. Il y exprime un style plus mûr, d’un souffle élargi, et sans avatars techniques, cette fois. Toutefois, on reste frustré par un manque de nuances et de jeu, une interprétation sans surprise des cappricios de l’Opus 76. Plus on avance dans le temps – en terme de datation des œuvres au programme mais également dans le déroulement du concert –, plus le travail s’aère et s’intériorise, gagnant en esprit autant qu’en liberté. Ainsi peut-on goûter les intermezzi des Opus 116 et 119 avec bonheur. Pourtant, la rhapsodie reste lourde et mal articulée, incompréhensible. À la décharge de l’artiste, un instrument mal réglé qui se désaccorde en cours de route jamais ne facilité les choses.

Enfin, c’est dans la musique de Scriabine que Kirill Gerstein excelle, tout d’abord avec quelques Études de l’Opus 8, œuvres de jeunesse encore romantiques et un brin salonardes dans lesquelles il fait preuve d’une grande maestria avec le Presto tenebroso (Étude n°7), puis – et surtout – avec l’Opus 65 écrit à la fin de la vie de l’auteur, qu’il donne avec poésie et dans une intimité d’humeur rare.

BB