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Chroniques
récital Juan Diego Flórez
Michele Spotti dirige l’Orchestra Filarmonica Gioachino Rossini
Révélé au grand public en 1996 au Rossini Opera Festival, le ténor péruvien Juan Diego Flórez revint très régulièrement chanter chaque été à Pesaro. Il s’y produit ce soir en grand habitué des lieux, un peu comme l’enfant du pays, et d’ailleurs propriétaire d’une maison sur les hauteurs de la ville. Intitulé Rarità rossiniane, le concert est donné dans le vaste espace extérieur de la Piazza del Popolo avec sonorisation, comme les précédentes soirées. Il est constitué de raretés du compositeur natif de cette ville. Alternant des pages symphoniques et des airs pour ténor, le programme démarre par la Sinfonia del Conventello, l’une des Sinfonie giovanili (symphonies de jeunesse) écrite en 1807 et sonnant souvent comme l’Ouverture d’une farce rossinienne. Dès les premières mesures, le chef Michele Spotti imprime une pulsation vivante, pleine de nerf et d’esprit, bien exécutée par l’Orchestra Filarmonica Gioachino Rossini.
L’air Quell’alme pupille, tiré de La pietra del paragone, montre l’art du ténor : le timbre est reconnaissable entre tous avec un son émis typiquement dans le masque, la voix s’est légèrement durcie au cours des années et en particulier après quelques prises de rôles dans les ouvrages de Verdi et de Massenet, mais la technique belcantiste est bluffante. L’Ouverture du pastiche Robert Bruce donne l’occasion aux connaisseurs d’apprécier les titres d’où sont tirés plusieurs séries de mesures, entre autres Zelmira au tout début, puis Armida et La donna del lago. Le soliste revient pour la cavatine Concedi, amor pietoso du deuxième acte de L’Italiana in Algeri, parfois coupée pour certains interprètes tant les difficultés y sont nombreuses. Flórez la chantait, entre autres, au Palais Garnier à Paris en 2000. Elle est donnée ce soir dans une version alternative pour la dernière partie. On admire l’élégance et la délicatesse de la conduite vocale, puis la souplesse de l’instrument et la virtuosité dans les passages rapides, ainsi que le mordant de certaines attaques et le brillant des aigus.
Après une autre symphonie de jeunesse, la Sinfonia en ré majeur, l’air alternatif T’arrendi al mesto pianto de Giacomo dans La donna del lago est le frère jumeau, pour la musique et les paroles, de celui d’Oreste dans Ermione, autre grand opera seria composé pour le Teatro San Carlo de Naples. Les répliques de Pilade (Ermione) sont ici remplacées par l’orchestre, le soliste se montrant impressionnant dans ses extensions vers le registre aigu. Il amène de petites variations bienvenues dans la reprise de la cabalette. Quelques solistes aux instruments à vent paraissent ensuite un peu à la peine dans la Sinfonia obbligata a contrabbasso – il faut dire que le cor est mis à rude contribution. Dans l’introduction de la cavatine Un vago sembiante de Narciso dans Il Turco in Italia, le hautbois se trouve rapidement en difficulté, tandis que dans le pas de deux de Guillaume Tell qui enchaîne, la flûte s’en tire avec les honneurs. Le ténor fait une nouvelle démonstration de son art dans Alla gloria un genio eletto, avec tour à tour une autorité d’accent, une ligne élégante, puis un style plus vaillant, voire guerrier, dans la partie finale agitée, avec de nouveaux passages vocalisés très fluides. Cet air vient conclure le programme proprement dit, d’une durée d’une heure… le public en redemande !
On amène un haut tabouret, puis Juan Diego Flórez entre en scène pour s’accompagner lui-même à la guitare. Il interprète certaines chansons tirées de son dernier CD, dont Bésame mucho de Consuelo Velázquez puis El día que me quieras de Carlos Gardel, et Canta y no llores cantando se alegran los corazones. La soirée se recentre évidemment sur le soliste au chant agréable, souvent très doux, fort charmeur, qui utilise parfois une voix de tête particulièrement aérienne. Le retour de l’accompagnement orchestral pour La Danza rossinienne se fait dans un joyeux désordre, la pause ayant visiblement été préjudiciable à la cohérence d’ensemble ! Le ténor y met, en tout cas, beaucoup d’allant, un entrain guilleret qui change du répertoire interprété précédemment. La conclusion revient au soliste et sa guitare, d’abord en direction de Naples pour Marechiare, puis vers l’Amérique du Sud avec Cucurrucucú paloma de Tomás Méndez pour laquelle Juan Diego Flórez établit une belle relation de proximité avec son public… au travers des deux écrans vidéos géants !
IF