Chroniques

par bertrand bolognesi

récital Joaquin Achucarro
programme espagnol

Figures d’Ouverture / Maison de Radio France, Paris
- 11 septembre 2004
© dr

L’été s’achève et, après les festivals, nous retrouvons les salles parisiennes et les déjà traditionnelles Figures d’Ouverture de la saison de Radio France. Après une averse tropicale d’une incongruité rafraîchissante, le pianiste Joaquin Achucarro fait son entrée à la Maison ronde pour un fort beau programme espagnol. Dans les premières années du XXe siècle, la plus célèbre école de piano est espagnole, comptant d’excellents interprètes et des compositeurs prolixes autant qu’inventifs qui explorent la sonorité de façon nouvelle. Souvent rhapsodes, certains héritent de Liszt sans se douter qu’ils influencent Debussy et Ravel.

Achucarro invite au voyage dès les Quatre pièces espagnoles de Manuel de Falla qu’il colore méticuleusement dans un délice de nuances d’une grande délicatesse. Consacrant toute la première partie du récital à ce compositeur, il enchaîne une Vals capricho d’un sérieux ne cédant à aucune mondanité. Il offre un piano majestueusement orchestral à la Fantasia baetica, ciselant soigneusement la sonorité sans révéler outre mesure les secrets d’une écriture fascinante qu’il sert au mieux. Son interprétation demeure concentrée et ténue, plus que directement brillante. Indéniablement, la grâce survient pour l’Homenaje pour le tombeau de Claude Debussy, appelée par un jeu un rien sec, austère et désertique qui en affirme l’hiératisme.

Plus diversifiée, la seconde partie s’ouvre avec Quatre préludes du Catalan Federico Monpou que les pianistes présentent encore rarement. Joaquin Achucarro les orne d’une sonorité assez proche de celle qui convient à la musique de Scriabine – le n°3 pourrait être un prélude du Russe, tandis que le dernier prend des allures de poème – que d’ailleurs le compositeur appréciait. À l’écoute de ces énigmes, on songe aux Chants magiques

Dans ce panorama choisi, la figure d’Isaac Albéniz ne pouvait manquer : le pianiste, jusqu’alors définissable par un jeu avant tout intérieur, s’engage avec superbe dans trois pièces interprétées dans une effervescence contrastée, parfois même violente, pour une lecture plus simplement spectaculaire qui emporte l’enthousiasme de l’auditoire.

Auparavant, La Maja y el Ruiseñor du troisième Catalan de cet après-midi, Enrique Granados [photo], est si savamment joué qu’il se fait véritable clé de voûte. C’est l’essence même de la musique espagnole que Joaquin Achucarro livre alors, incitant peut-être à relire les essais du poète et philosophe Miguel de Unamuno et du grand mélodiste que fut Felipe Pedrell dont Granados avait été l’élève. Après une introduction élégamment retenue, une narration mystérieuse et poétique développe sans emphase ses motifs, avec une pudeur et une gravité extraordinaires. L’artiste remercie le public avec un Nocturne pour la main gauche de Scriabine, d’une tendresse infinie.

BB