Chroniques

par bertrand bolognesi

récital Jean-Louis Haguenauer

Festival de l'Orangerie de Sceaux
- 23 août 2003
Le pianiste Jean-Louis Haguenauer
© dr

Fort beau récital que celui donné par le pianiste Jean-Louis Haguenauer dans le cadre du Festival de l’Orangerie de Sceaux. Ce moment s’ouvre sur les Intermezzi Op.117 de Johannes Brahms (1892), interprétés dans une grande sobriété. La sonorité s’en fait discrète et le lyrisme pudiquement retenu, l’artiste nuançant sans excès et toujours à bon propos. Surviennent alors les quatre mouvements formant Szálkák de György Kurtág (1973), sorte de suite au caractère hiératique (dont le final est un hommage à Stefan Romanescu) jouée aujourd’hui avec un grand souffle, comme une lourde litanie. On apprécie particulièrement le jeu contrasté qui sert ces pages avec tout le relief qu’elles requièrent.

Construisant son programme non sans cohérence, après l’œuvre d’un musicien qui écrivit les fameux Játékok pour les enfants pianistes (en partie), et avant que de donner Children’s corner, Jean-Louis Haguenauer joue les Kinderszenen de Robert Schumann dans une gravité déconcertante qui n’exclut jamais la tendresse mais lorgne plus du côté des démons intérieurs du compositeur que des habituels jolis tableaux. Certaines pièces gagnent alors en vertige, développent comme un sentiment d’absurde, y compris dans les parties méditatives. Dans cette lecture intéressante, on regrette cependant l’emploi pas toujours judicieux de la pédale (déjà constaté dans Brahms).

L’artiste invite ensuite à goûter une musique qui lui sied à merveille, qu’il défend beaucoup et qu’il a enregistrée : celle de Claude Debussy. Il offre au public un travail d’une appréciable précision, honorant scrupuleusement chaque indication de frappes, qu’il s’agisse de Children’s corner ou des six dernières Études – et lorsque l’esprit est autant respecté que la lettre, tout va pour le mieux. Après les traits plus abstraits des Études, nous entendons L’Isle joyeuse, malencontreusement desservie par la pédale, là encore, assez inexplicablement, puisque toutes les autres pages debussystes ont bénéficié d’un judicieux et minutieux travail du son. Jean-Louis Haguenauer prend congé avec deux bis, brillant Feux d’artifice un peu lourd et Clair de Lune exquis.

BB