Chroniques

par laurent bergnach

récital Bojan Gorišek
œuvres de Crumb, Glass, Pärt et Satie

MIDEM / Palais des Festivals, Cannes
- 29 janvier 2008
le pianiste slovène Bojan Gorišek en récital à Cannes, au MIDEM Classique
© ziga koritnik

Ceinte par la mer Adriatique, l’Italie, l’Autriche, la Hongrie et la Croatie, la Slovénie est riche de ses forêts (plus de la moitié du territoire), de ses montagnes (le mont Triglav figure sur le drapeau officiel) et de sa stabilité économique. Elle peut aussi se montrer fière de ses atouts culturels : ainsi, le 8 février, jour de la Fêtede la Culture slovène (Slovenski kulturni praznik), coïncide avec le décès de France Prešeren (1800-1849) – poète romantique dont les mots servirent à créer l’hymne national au moment de l’indépendance de 1991, et dont le portrait circule via la pièce de deux euros –, tandis qu’en octobre la capitale accueille le festival de musique contemporaine organisé par l’Ensemble Slowind. Anciennement attachée à l’empire austro-hongrois, puis formant l’une des six républiques de l’ex-Yougoslavie, cette terre peuplée par quelques deux millions d’habitants a rejoint l’Union européenne en 2004 ; pour la première fois, depuis le 1er janvier dernier, elle en préside le Conseil. En phase avec cette actualité, le MIDEM lui propose de mettre en avant ses artistes, sur les grandes scènes [lire notre chronique de la veille] comme sur les plus modestes.

Diplômé de l’Académie de musique de Ljubljana, Bojan Gorišek poursuit des études à Cologne auprès d’Herbert Henck et devient le principal pianiste slovène à défendre l’art d’aujourd’hui – en particulier celui de ses compatriotes Milko Lazar, Aldo Kumar et Marij Kogoj (1892-1956), un ancien élève de Schönberg dont il livre aujourd’hui Bagatelle. Connu pour son intérêt pour la musique minimaliste, l’interprète (né en 1962) débute ce récital avec une pièce d’Arvo Pärt. Dans les années soixante-dix, ses compositions sérielles comme celles utilisant le collage ou d’inspiration religieuses vaudront à l’Estonien (né en 1935) d’importantes inimitiés. Après de sérieuses remises en question, Für Alina (1976) marque une rupture avec ses premières œuvres et l’apparition du style tintinnabulum qu’explique le créateur : « Je travaille avec très peu d’éléments – une ou deux voix seulement. Je construis à partir d’un matériau primitif – avec l’accord parfait, avec une tonalité spécifique. Les trois notes d’un accord parfait sont comme des cloches ». La modulation est donc ignorée.

Autre fait marquant de sa carrière : Gorišek a enregistré une intégrale des pièces et mélodies pour piano d’Erik Satie (dix CDs parus en 1995 chez Audiophile Classics). Avec Gnossienne I, IV et V, le pianiste prouve qu’il sait nuancer, en plus d’installer un climat. Au fil des portées, le tempo très lent permet de faire entendre des notes lisztiennes, des réminiscences de Bach, des échos de cymbalum ou des atmosphères bluesy. De même, sa régularité de frappe sert-elle idéalement Metamorphosis I, III et IV (1988) de Philipp Glass, ainsi qu’Orphée’s Bedroom – deuxième mouvement de The Orphée Suite for piano (2003), suivant de dix ans l’opéra de chambre inspiré par le film de Cocteau –, Wichita Vortex Sutra (1988) qui emprunte son nom à un poème d’Allan Ginsberg (1966), et un extrait de Glassworks, donné en guise de bis. Enfin, des quatre disques consacrés à George Crumb, le musicien offre Twin Suns en soignant le contraste, Tora ! Tora ! Tora ! avec une grande agilité, et Dream Images très délicatement.

LB