Chroniques

par bertrand bolognesi

Quatuor Parisii
œuvres de Debussy, Paris et Reich

Manca / Théâtre de la photo et de l'image, Nice
- 6 novembre 2005

Il est peu courant d'entendre lors d’un festival de musique contemporaine une pièce entreprise en 1892 ! Pourtant, en ouvrant son concert par une interprétation sensible du Quatuor en sol mineur Op.10 de Claude Debussy, le Quatuor Parisii captive l'attention d'un public concentré dans la redécouverte de l’œuvre.

Dans une articulation fort respirée, les quartettistes ménagent une sonorité d'une grande élégance au premier mouvement, indiqué Animé et très décidé. Ils soulignent judicieusement ce que cette musique peut dissimuler de sombre sous ses faux airs d'amabilité. Tout en profitant d'un flux très souple et de chaque élan lyrique, ils avancent dans un discours extrêmement construit. À ceux qui croient encore juste de cantonner le répertoire français dans une vague notion de « bon goût », l'exécution de ce premier épisode rappelle l'héritage romantique qui est encore celui de Debussy lorsqu'il écrit cette page, un héritage partagé avec Chausson ou Lekeu. Le relief enthousiaste qui soutient le Scherzo un rien appuyé s'intègre à une conception plutôt farouche dont l'inquiétude un rien frustre contamine un sol majeur moins lumineux qu'ailleurs. À l'inverse, le troisième mouvement s'enchaîne dans une grande pudeur, sur un souffle retenu où les sonorités « floutées », en particulier celles du premier violon et de l'alto, amènent une couleur discrète à un climat proche du recueillement. Les Parisii font éclore plus franchement le lyrisme de la section introductive duFinale, et signent une lecture tant tonique que délicate.

Grand bon dans le temps, puisque Soleado, complétant Sombra pour violon, fut écrit par François Paris en 2002. Ici, le Quatuor Parisii confronte son talent aux exigences d'une écriture sans concession. La vibration nettement affirmée par le violoncelle et le violon 1 ouvre le feu dans une sonorité quasiment orgiaque. Après un decrescendo qui amène une sorte d'extinction s'amorce une seconde partie au grain plus subtil, jouant sur une exquise verroterie d'harmoniques, fascinante et rythmée. Après un solo accompagné de violoncelle, un dernier chemin se dessiné, plus inventif encore, que conclut une petite figure obstinée,pianissimo, mourant dans sa propre insistance répétitive.

Pour finir, les quartettistes s'engagent à bras le corps dans Different trains, conçu par Steve Reich il y a dix-sept ans. Ils prennent congé en remerciant un public chaleureux par un mouvement de Philipp Glass.

BB