Chroniques

par monique parmentier

Purcell, Bonporti, Rameau, Vivaldi

Festival de Sablé / Centre culturel, Sablé | Église Notre-Dame, Durtal | Église St-Pierre et St-Paul
- 27 et 28 août 2010
Monique Parmentier photographie le Festival de Sablé, Édition 2010
© monique parmentier

Les Goûts réunis ont été plus que jamais à l’honneur au cours des deux dernières journées du festival. Comme dans toute fête, l’inattendu était du rendez-vous, créant de belles surprises. La célébration du trois-cent cinquantième anniversaire de la naissance de Henry Purcell (2009) est quasiment passée inaperçue. C’est à Paul Agnew que nous devions un des plus jolis CD sortis à cette occasion, dont nous retrouvions le programme lors du concert de début d’après-midi, le 27 août. L’Orfeo Britannicus meurt subitement le 21 novembre 1695, alors qu’il n’a pas encore quarante ans. Bouleversés, ses amis et ses collègues, avec l’aide d’un éditeur, décident de rassembler une collection de ses meilleurs songs afin de célébrer sa mémoire. Elles sont la plus belle illustration des courants artistiques italiens et français qui l’influencèrent.

Accompagné de trois délicates instrumentistes, Paul Agnew en est l’interprète idéal. Tout est équilibre : les mots se font musique comme elle se fait mots. D’une grande justesse, il permet à cette mélancolie à fleur de peau qui, depuis Dowland, parcourt la musique anglaise, de bouleverser sans jamais s’avérer larmoyante. Dès la première pièce, l’émotion s’installe et emporte vers des rivages dont la tristesse saisit par l’élégance de sa lumière noire. Son phrasé permet de savourer la poésie et d’en goûter l’humour cruel et tendre, comme dans Man is for the woman made. Certes, la voix n’est plus aussi fraîche ; parfois apparait un très léger vibrato. Mais pourquoi bouder son plaisir, d’autant plus qu’il est accompagné de trois musiciennes lui offrant une belle basse continue. À tour de rôle, Anne-Marie Lasla à la viole, Blandine Rannou au clavecin et Elisabeth Kenny au théorbe, livrent en soliste des pièces de Francisco Corbetta, Robert de Visée, Christopher Simpson et Purcell. Ténébreuses et lumineuses, elles irisent de clairs-obscurs ce récital.

Après la musique anglaise, c’est à la musique italienne que nous devons un autre instant ineffable de ces deux derniers jours de festival. Amandine Beyer et Gli incogniti sont revenus avec le soprano Raquel Andueza. Comme chaque fois, le bonheur est total pour le public, tant l’artiste rayonne d’une joie qu’on ne peut que partager. Après Rosenmüller l’an dernier, c’est un musicien totalement oublié qu’elle fait entendre : Francesco Antonio Bonporti. Tout comme Vivaldi dont il fut le contemporain, il était prêtre. Ses Invenzione furent attribuées après sa mort à Johann Sebastian Bach puis oubliées, une fois l’erreur constatée. Et s’il est vrai que sa musique paraît plus légère ou plus facile que celle de Corelli, dont il fut élève, ou de Vivaldi, ces interprètes nous la rendent magique. Dans les motets, le timbre à la fois clair et sensuel de Raquel Andueza est extatique. Jamais les parfums mystiques des fleurs sacrées n’ont semblé d’une aussi tendre suavité. Amandine Bayer et ses quatre compagnons, Alba Roca au violon, Baldomero Barciela à la viole de gambe, Francesco Romano au théorbe et Anna Fontana à l’orgue et au clavecin, en partagent la plaisante virtuosité en toute amitié.

Des quatre concerts de conclusion, nous choisissions deux événements. Le concert du 27 août au soir, retransmis par France Musique, et celui du tout nouvel ensemble créé par le contralto Nathalie Stuzmann, Orfeo 55. Entre France et Italie, entre Rameau et Vivaldi, nous retrouvions enthousiasme et courageuse prise de risques. Sébastien d’Hérin, à la tête des Nouveaux Caractères, manque encore de précision dans sa direction. Mais en s’attaquant à une œuvre rarement donnée de Rameau, Les Surprises de l’Amour (après le concert d’Ausonia dont la maturité et la somptuosité est un défi quasi impossible à relever), il offre un travail intéressant. Des quatre chanteurs on retiendra surtout la voix souple et la noble éloquence de Jean-Sébastien Bou. L’ensemble Orfeo 55, qui n’a pas un an, se révèle éblouissant. Sous la direction souple, fluide, radieuse, intelligible et précise de Nathalie Stuzmann, l’interprétation virtuose de Vivaldi conclut le festival au bord de la lagune. Si au concert la voix apparaît pâle et lointaine, on espère toutefois qu’il n’en sera pas de même dans le disque à paraître bientôt.

Cette édition s’achevant, on pense à tous ceux qui font que la fête est radieuse chaque année. Artistes, bien sûr, responsables artistiques également, mais aussi à tous les vacataires ou bénévoles sans qui tous ces moments de partage ne seraient pas possible. Un grand merci à tous.

MP