Chroniques

par bertrand bolognesi

Pli selon pli de Pierre Boulez
Ensemble Orchestral Contemporain, Daniel Kawka

Manca / Opéra de Nice
- 7 novembre 2004
Pierre Boulez, dont Daniel Kawka et son EOC jouent Pli selon pli à Nice
© dr

Cet après-midi, l’Opéra de Nice retentit de l’accord violent et du développement fort contrasté de Don, premier mouvement du grand cycle Pli selon Pli dont Pierre Boulez accumula les formants de 1957 à 1989.

Le compositeur rencontre la poésie de Stéphane Mallarmé en 1946. Il est alors fasciné tant par l’extrême formalisme de cet univers que l’incessante transformation du matériau à le constituer. Lorsqu’en 1957 il écrit Improvisation I sur Mallarmé – le vierge, le vivace et le bel aujourd’hui, il ignore que suivront une Improvisation II cinq ans plus tard, puis une troisième, un Tombeau et Don. Comme pour la plupart de ses travaux, celui-ci devient un work in progress, si bien qu’après plus de trente ans de remaniements, de révisions et d’assemblages, cet ensemble forme Pli selon pli, l’œuvre sans doute la plus célèbre de Boulez, après Le marteau sans maître.

C’est précisément parce que le musicien n’a jamais obéit à un programme compositionnel qu’il se serait artificiellement fixé que cette partition est souvent considérée par les commentateurs comme celle qui, de son catalogue, renoue le plus librement avec la sensualité du son et peut-être même avec un lyrisme tout relatif. C’est la dimension sacrée de la prose mallarméenne qui féconde Pli selon pli, musique rituelle parfois influencée par les musiques d’autres cultures que la nôtre.

La question reste ouverte – elle s’est posée pour le Marteau chanté par Hilary Summers en mars 2003, dans un mystère plus que déroutant – : faut-il comprendre ce qui est chanté ? Force était alors de constater un mois plus tard, grâce à l’irréprochable diction d’Isabel Soccoja dans la même œuvre, qu’il était indéniablement préférable de percevoir le texte. Et c’est l’un des soucis les plus préoccupants de l’exécution d’aujourd’hui : Brigitte Peyré s’avère littéralement inintelligible. À cela viennent s’ajouter d’autres désagréments, comme de nombreux à-peu-près avec la hauteur des sons, notamment lors des soli de violoncelle, et plus encore avec les unissons improbables des cordes.

Déçu par ces quelques maladresses, on l’est plus encore par une sonorité vieillotte, très Donaueschingen années cinquante qui, si elle présente l’avantage d’une coloration nostalgique rappelant le témoignage des concerts d’alors, offre peu de clarté à l’expression et au jaillissement de l’œuvre. Il faut bien avouer que la lecture de Daniel Kawka à la tête des musiciens du Festival Philharmonic et de son Ensemble Orchestral Contemporain demeure à l’état de lecture, sans plus. Par ailleurs, la chanteuse possède un timbre chaleureux et affirme de vrais choix interprétatifs, certes peu habituels, mais personnels et, surtout, jamais tièdes ; toutefois, un tendance quelque peu excessive à la dramatisation put par moments faire presque sourire.

BB