Chroniques

par gilles charlassier

Pierre-Yves Macé par Denis Chouillet

Festival d’automne à Paris / Espace Cardin
- 5 décembre 2016
soirée monographique Pierre-Yves Macé au Festival d’automne à Paris
© vincent pontet

Carrefour des tendances de la création contemporaine, le Festival d'Automne à Paris n'hésite pas à se faire l'avocat des transgressions génériques. En témoigne le concert proposé à l’Espace Cardin par le Théâtre de la Ville, exilé hors de ses murs pour cause de travaux de rénovation.

Transformant le collage citationnel en matière première électroacoustique selon un procédé qui se rapproche parfois de la musique concrète, Pierre-Yves Macé a imaginé depuis 2010, avec le « double work in progress » Song Recycle et Miniatures, un « récital pour haut-parleur et piano » qu'il a d'abord lui-même interprété, jusqu'en 2014, avant d'en livrer une version écrite, ici jouée par Denis Chouillet.

Alternant selon de minidiptyques, triptyques, voire quadriptyques, les vignettes sonores de Miniatures et les commentaires de Song Recycle, le cycle – dont le titre du deuxième élément s'amuse d'homophonie entre le format du recueil et l'écologie – décline la superposition du clavier sur un matériau sonore puisé dans YouTube : les voix amatrices grésillant entonnent un thème, un motif, souvent aux confins du reconnaissable que le soliste restitue à la façon d'un fragile miroir ou enrichit d'un contrepoint, voire d'un prolongement. Se succèdent dix-neuf morceaux ponctués par les dix Miniatures électroacoustiques, selon une logique apparentée au cut-up : la discontinuité du discours élabore une errance mémorielle séduisante à défaut de se renouveler.

En quarante minutes, que la construction lâche de l'ensemble autoriserait aisément à se prolonger, l'essentiel du propos se trouve plus d'une fois confirmé. L'entrelacs et le feuilletage des sources façonnent une hybridation à l'intérêt évident, dans l'exploration des couches et des textures sonores : l'idée appartient à celles qui se contentent de l'hédonisme acoustique et ne s'aventurent pas trop dans son avatar plus intellectuel. En la performance de Denis Chouillet, cette logique de l'instantané trouve un relais fidèle.

Dédiée par le compositeur à ce même soliste, Accords et Accrocs, pièce écrite en 2015 pour piano et donnée en ouverture de concert, se laisser aller à une humeur presque improvisatrice dans des consonances qui auraient ponctionné ça et là quelques traces thématiques aux Études de Ligeti. Les effets de décalage et de contradiction parfois reprennent, par anticipation programmatique du point de vue de la soirée, ce que le double cycle développera, ou du moins amplifiera. Les qualités mentionnées précédemment se révèlent déjà audibles, avec les limites afférentes, sans l'alibi de l'iconoclasme conceptuel : une mise en bouche labile qui ne perturbe point l'écoute ultérieure. La musique se trouve réduite à son spectaculaire performatif, lequel se montre à son meilleur lorsqu'il ne se cache pas sous des formes plus conventionnelles.

GC