Chroniques

par bertrand bolognesi

Pierre Boulez dirige
Happy Birthday, London Symphony Orchestra !

Théâtre du Châtelet, Paris
- 22 octobre 2004
Igor Stravinsky à la fête des cent ans du LSO, osus la battue de Pierre Boulez
© ernst haas studio

Voilà un siècle que vit le jour la prestigieuse formation londonienne, sous la direction d’Hans Richter. Depuis, elle prit un envol remarquable, de très grands chefs se succédant à sa tête, parmi lesquels Thomas Beecham, Claudio Abbado et Colin Davis. Cet automne, elle retrouve Pierre Boulez avec lequel une longue complicité la lie. C’est d’ailleurs avec cet orchestre que le compositeur effectuait les tournées de 1995 et 2000 pour son soixante-dixième et son soixante-quinzième anniversaires.

Avec un programme se mirant dans la belle carrière du LSO, Boulez dirigeait hier la Symphonie en si mineur n°7 dite « Chant de la nuit » de Mahler, créée à Prague en 1908, et son propre Livre pour cordes. Ce soir, il joue Dérive 2, pour commencer, dans la dernière version en date de ce work in progress. On se souvient d’en avoir entendu la création française en décembre 2002, par l’Ensemble Intercontemporain. Aujourd’hui, la lecture est nettement plus souple, le temps sait se détendre par endroit, au service d’une jouissance plus directe de la sonorité et des textures.

C’est ensuite au grand Igor que la soirée se consacre.
D’abord avec les brèves Symphonies d’instruments à vent composées en 1920 et créées l’année suivante à Londres, sous la direction de Koussevitzky. La lecture est des plus précises, dans une sonorité savamment équilibrée qui bénéficie d’un moelleux d’une grande tendresse.

Arrive Le sacre du printemps.
Boulez connaît parfaitement les qualités d’un orchestre. Aussi, son interprétation d’une même œuvre pourra-t-elle quelque peu varier selon qui la joue. La dernière fois que nous entendions un Sacre boulézien, c’était celui du Gustav Mahler Youngendorchester, il y a quelques années. Primaient alors l’énergie, la sauvagerie même, dans une version prenant appui sur les atouts de la jeunesse des instrumentistes. Ici, rien de tout cela. L’introduction de L’adoration de la terre ménage une couleur qu’aisément l’on imagine archaïsante, le Cortège du Sage s’amorce dans un climat presque chambriste, tandis que l’Évocation des ancêtres du Sacrifice est dangereusement chargée de mystère. Contrastée sans excès, cette option s’avère fort soigneuse, rappelant volontiers d’où Stravinsky vient : moins radicale, elle fait entendre Rimski-Korsakov, Moussorgski, Liadov, etc. Qu’on ne s’y méprenne pas : la Danse sacrale s’accomplit dans une magie extraordinaire que l’on doit au dynamisme hypnotique de Pierre Boulez.

BB