Chroniques

par richard letawe

Peter Van Heyghen dirige Les Muffatti
Giovanni Battista Pergolesi

Festival des Cathédrales de Picardie / Église Saint Sépulcre, Abbeville
- 15 septembre 2007

Le Festival des Cathédrales de Picardie fête ses vingt ans et, comme chaque année, visite les plus beaux édifices religieux de la région. Entre musiques ancienne et baroque, répertoire classique et même une incursion dans les débuts du romantisme (avec Mendelssohn et Schubert), le programme de cette édition est équilibré. Le festival fait étape à Abbeville, en l'Eglise Saint-Sépulcre, à l'acoustique intéressante : précise, lumineuse et pas trop réverbérée. C'est le Napolitain Giovanni Battista Pergolesi qui y mis est à l'honneur, interprété par l'ensemble belge Les Muffatti que dirige Peter Van Heyghen depuis 2004.

C'est d'abord Sophie Gent la Konzertmeisterin de l'ensemble qui est sur la brèche, pour le Concerto en si bémol majeur pour violon, cordes et basse continue, une des rares pièces concertantes de Pergolèse à avoir été conservée. L'œuvre suit les canons du concerto baroque, avec des mouvements rapides qui alternent des tutti enjoués, auxquels participe le soliste, et des soli brillants et virtuoses. Le mouvement lent est court, de climat assez sombre, et réserve en son centre une prenante mélodie au violon seul. Avec un jeu plein de panache et sa sonorité fine et aiguë, Sophie Gent fait forte impression dans les deux premiers volets qu'elle aborde avec simplicité, en assurant le cantabile avec maîtrise. Stridente, elle est plus fatiguée dans le finale, savonnant quelques traits et laissant finalement une impression mitigée.

Le programme évoque ensuite la carrière lyrique de Pergolesi, avec la cantate Orfeo (pour soprano, cordes et basse continue). Cet opus débute par un récitatif dans lequel le soprano est narrateur, décrivant Orphée au seuil des Enfers implorant de l'aide pour retrouver son aimée. Par la suite, deux arie encadrent un récitatif, la chanteuse incarne le personnage principal. Les deux airs sont à la fois d'un grand charme mélodique et d'une grande puissance expressive : le premier s'avère éperdu et douloureux, le second, développé en trois parties, est brillamment ornementé. La voix d’Elena Cecchi Fedi va s'améliorant au cours de l'exécution : un peu courte d'aigus dans le premier air, affligée d'un vibrato plutôt large, elle prend de l'assurance dans la suite, émettant des aigus plus sûrs et mieux projetés, ornementant avec soin.

Stabat Mater, son œuvre la plus connue, avec lequel il conquit une gloire posthume, est incontournable dans un concert consacré à Pergolesi. On l'entend sans surprise, mais avec beaucoup de plaisir, car la version proposée par Les Muffatti est de haut niveau. Pour les chanteuses d'abord : la voix désormais bien chauffée, Elena Cecchi Fedi y est juste, lyrique et passionnée, alors que l'alto Alicia Berri est une véritable découverte. Son chant est droit, sans vibrato, avec un impact brut et direct assez inhabituel ; de plus, le grave est richement timbré et dispense une lumière feutrée. Son implication ainsi que son entente avec sa consœur sont remarquables. Les Muffatti font preuve d'implication et d'énergie, Peter Van Heyghen obtenant d'eux une lecture franche et vive. Les timbres sont savoureux, la couleur des cordes chatoyante et contrastée, malgré quelques stridences. L'ensemble est virtuose, léger et séduisant.

RL