Chroniques

par laurent bergnach

percussionnistes du CNSMD de Paris
pièces de Leroux, Manoury, Mantovani, Reich, Takemitsu et Varèse

Théâtre 71, Malakoff
- 6 décembre 2018
les percussionnistes du CNSMD de Paris jouent Leroux, Manoury, Varèse, etc.
© dr

En visite en banlieue sud, six élèves du Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris (CNSMD) invitent à un aperçu cohérent et jouissif de la production pour percussions des dernier et nouveau siècles. Il s’agit de Corentin Aubry, Jean-Baptiste Bonnard, Hsin-Chun Chou, Adelaïde Ferrière, Pei-Ying Hsieh et Emmanuel Joste, tous en troisième cycle du Diplôme d’artiste interprète, répertoire contemporain et création.

Sous la baguette de Nicolas Slonimsky, dédicataire et créateur de l’œuvre, Ionisation (New York, 1933) nécessitait treize interprètes, à l’origine. Mais il en existe une version pour sextuor réalisée pour Les Percussions de Strasbourg (1967) et validée par Edgard Varèse (1883-1965). Pour nous, elle suffit à rendre ce qui, pour le chef russe, « semble vouloir démontrer la variété et la richesse extraordinaire de rythmes et de timbres qu’il est possible d’obtenir d’un tel ensemble ». Animé, tribal, voire martial, ce classique continue de saisir l’auditeur quand y vrombit la sirène caractéristique d’une modernité en germe.

Introduit en Asie du sud-est et dans certaines îles du Pacifique, l’arbre à pluie (Samanea saman) possède des feuilles qui se replient sur elles-mêmes en cas d’ondée, permettant ainsi à la terre proche du tronc de s’imbiber au mieux. Pour Tōru Takemitsu (1930-1996), qui découvrit Debussy avant la musique traditionnelle japonaise, il importait de sauvegarder le sens du monde, le sentiment de la nature. Avec Rain Tree (Tokyo, 1981), il livre une pièce contemplative donnée avec délicatesse par deux marimbas et un vibraphone – où scintillent également des crotales.

En ce qui concerne Bruno Mantovani (né en 1974), la page soliste est propice à l’expérimentation et au divertissement, au sortir d’un lourd travail polyphonique. Cependant, se fixer des limites est nécessaire – « si le cadre structurel et dramatique est cohérent, défini, précise-t-il,le discours pourra intégrer les éléments les plus hétéroclites sans que l'écoute n'entre dans une logique d'énumération, de rhapsodie ». Moi, jeu… (Paris, 1999) explore toute l’étendue de la gamme du marimba, exigeant virtuosité et nuance (crescendo, rebond, etc.).

Des six pièces composant Le Livre des claviers (Strasbourg, 1988), deux peuvent être jouées séparément : un solo de vibraphone et un duo de marimbas. En ouverture de ce dernier, Philippe Manoury (né en 1952) développe une sorte de dialogue semiserio, rythmé par de fréquents silences. Puis le jacassement envahi l’échange, preuve que ce passionné de rythme – le duo KrausFink créait, il y a peu, son concerto Éclats d’alerte [lire notre chronique du 29 novembre 2018] – fait cohabiter pessimisme et dérision.

Initié à la batterie durant l’adolescence, puis au tambour ghanéen et au gamelan balinais au début des années soixante-dix, Steve Reich (né en 1936) est célèbre pour ses œuvres largement percussives fondées sur le canon – la quintessence de son art s’incarne dans Clapping Music (1972) qui nécessite seulement deux paires de mains. Mallet Quartet (Budapest, 2009) unis deux marimbas à cinq octaves, qui donnent l’arrière-plan harmonique, aux vibraphones en charge du matériau mélodique.

Avec De la vitesse (Strasbourg, 2001), à l’instar de Varèse, Philippe Leroux (né en 1959) explore les possibilités de la percussion, d’où une variété de timbres et des effets reposant sur la diversité des instruments (bâton de pluie, appeau, flexatone, etc.), des techniques (frappement, froissage, etc.) et des matériaux (verre, polystyrène, etc.). Cela implique des instrumentistes scénographiant l’œuvre, d’abord réunis autour d’une caisse claire au centre, puis se déplaçant d’un poste à un autre. Pour finir, la salle investie est bientôt quittée au pas de course, avec des mots débités à toute allure.

LB