Chroniques

par gilles charlassier

Peer Gynt
objet musical créatif de Jean-Philippe Clarac et Olivier Delœuil

Opéra de Limoges
- 11 mai 2017
Jean-Philippe Clarac et Olivier Deloeil signent Peer Gynt à l'Opéra de Limoges
© thierry laporte

L'âge romantique a produit plusieurs avatars de théâtre dramatique ou lyrique non destiné initialement aux planches. Fantasio de Musset voisine ainsi avec La damnation de Faust de Berlioz, quand, plus au nord, Ibsen imaginait les aventures de Peer Gynt, sur lesquelles Grieg composerait une musique de scène restée parmi ses partitions les mieux passées à la postérité. Si de telles contraintes poétiques ont très rapidement été transgressées par les metteurs en scène, l'appétit contemporain du plateau ne se contente plus des réserves des auteurs. Il se porte désormais sur les objets narratifs ou musicaux les plus variés. Le spectacle proposé par le duo Jean-Philippe Clarac et Olivier Deloeuil (en résidence à l'Opéra de Limoges pour deux ans depuis le début de la saison) à partir des ouvrages de Grieg et Ibsen témoigne d'un tel renouvellement du corpus et des formats.

Adaptée, jusqu'à une simplification presque dommageable, la pièce du dramaturge norvégien sert de support à un « objet musical créatif », pour reprendre la caractérisation générique donnée dans le programme. Le texte se trouve réparti entre des didascalies narratives lues à la manière d'un conte, le monologue du personnage principal et quelques interactions des autres caractères – en particulier sa mère et Solveig. Côté visuel, le décor de montagne russe miniature, symbole probable de fjords ou autres stéréotypes de la Scandinavie occidentale que l'on imaginerait sponsorisé par quelque firme suédoise, est habillé par un fond vidéographique conçu par Jean-Baptiste Beïs, à la fonction d'illustration paysagère imaginée, avec la complicité des lumières de Christophe Pitoiset, pour noyer le spectateur dans une illusion de Nord et de neige.

Le dispositif s'appuie sur un dédoublement peu économe entre chanteurs et comédiens – entouré de Marie Blondel et Amélie Esbelin, Thomas Gornet impose une incorrigible et charismatique gouaille fanfaronne dans le rôle-titre, jusqu'au repentir final en forme de défi. À l'exception de l'innocence diaphane de la chanson de Solveig, qui devait revenir à une fraîcheur délicate comme celle de Norma Nahoun, les autres interventions lyriques n'exigent des gosiers spécialisés qu'au nom de la conception scénographique et non de la partition, même si l'on ne boudera pas le solide Peer Gynt de Philippe Estèphe, l'Anitra de Marie Kalinine ou encore le trio de filles des pâturages dévolu à Leïla Benhamza, Johanna Giraud et Agnès Cabrol de Butler, sans oublier Édouard Portal (le voleur) et Fabien Leriche (le receleur). Préparés par Jacques Maresch, le chœur remplit son office. Sous la battue de Nicolas Chalvin, l'Orchestre de l'Opéra de Limoges contient avec sagesse les saveurs pittoresques de la musique.

GC